« Requiem aeternan dona eis | Accueil | Le nœud de l’aiguillette. »

Un sentiment d’imposture.

Il y a quelques années, l’excellente émission de Jean-Claude Defossé titrait : les travaux inutiles.
Le public a pu se faire une opinion sur la valse des millions (on n’était pas encore à l’euro) produit de l’impéritie, de la gabegie, et parfois de la concussion de certains décideurs des années 80 à 90.
Cette émission n’accusait pas nommément les auteurs des projets fous, les maniaques du béton, les margoulins des commissions sous la table et les Ricardo Bofill de l’invraisemblable… Elle donnait tout simplement des éléments pour des enquêtes qui malheureusement ne se sont jamais faites.
Puis, Jean-Claude Defossé est rentré dans le rang. On le voit encore dans quelques brûlots dont le dernier sur les cadors de l’extrême droite à Bruxelles et en Wallonie n’est pas passé inaperçu.
A croire que l’actuel staff de l’Haut-lieu est devenu brillantissime, au-dessus de tout soupçon et particulièrement attentif à ne pas jeter l’argent par les fenêtres.
A part quelques petits articles, quelques petits doutes de la Cour des comptes, après les frasques mobilières de madame Arena, on n’a plus l’écho de rien !
Faut-il interpréter le mutisme d’aujourd’hui comme un assagissement des Autorités ou une frilosité des médias ?
Serait-ce qu’en plein 175me anniversaire du « machin » la consigne serait de dissimuler sous le velours grenat des grandes cérémonies les « errements » toujours possibles ?
Cela ferait désordre que l’on en vînt aux grands discours sur la patrie et la grandeur du peuple, alors qu’au même moment on rééquiperait en mobilier Louis XVI, un ministère Modern style.
On se le demande.
Autre hypothèse : la dénonciation de ce qui ne tourne pas rond aurait-il une influence sur l’électeur dont certains n’attendent que cela pour voter Vlaams Belang et Front National ?
Alors, la vérité serait, en quelque sorte, l’otage de la Raison d’Etat !
Si c’est ce type de raisonnement qui prévaut, il est extrêmement dangereux.
Les trafics de toute nature, les influences, les aberrations, les pots de vin ne se sont pas arrêtés avec les émissions de Defossé. En les passant sous silence, on donne à ceux qui les pratiquent un sentiment d’impunité qui les conduira, de hardiesse en hardiesse, à des forfaits qui coûteront de plus en plus chers et, à terme, accéléreront la progression du Vlaams belang et du Front.
D’une certaine manière, les allocations de base et les à-côtés de ces messieurs dames de l’Haut-lieu sont déjà en eux-mêmes, une impudence, une sorte de défi à la majeure partie des citoyens de ce pays dont la plupart gagnent beaucoup moins de 2000 euros par mois.
Il est anormal que l’on se dise représentant du peuple et que l’on vive d’un mandat qui équivaut à l’allocation d’une petite dizaine de chômeurs ou de pensionnés.

actor.JPG

J’entends parfois les propagandistes de notre système se moquer des Régimes de l’Est dont la seule Russie serait le parangon du bakchich et le champion du pillage de l’Etat par ceux qui en ont la garde. Evidemment, ce sont des voleurs téméraires qui ont une réputation méritée. Mais nous, avec nos voleurs prudents, nos Lois faites pour entuber les petites gens et relaxer les fripons, avons-nous tant de raisons que cela de nous féliciter ?
Convenons que nous sommes tous plus ou moins complices des malversations, des traitements surfaits et des exonérations complices. Convenons que ce qui nous différencie du moujik c’est que si ce dernier se lamente d’être volé, nous, dans la même situation, nous croyons que nous ne le sommes pas !
La différence est bien mince entre ces spoliés et nous. Nous avons tort de pavoiser.
La presse est de moins en moins incisive, du fait principalement de la diminution drastique du nombre d’enquêteurs de terrain ; mais aussi à cause que cette vieille dame se fait plus souvent lifter qu’à son tour par les magnats de la publicité qui ont partie liée avec le pouvoir.
Comme un ministre prononcerait un discours sur les vertus de l’école publique, alors qu’il met ses enfants dans une école privée et qu’un autre inventerait des règlements pour dégraisser les chômeurs des indemnités légales, quand sa vie durant il a été fonctionnaire, les gens en ont assez des donneurs de leçons qui n’ont pas l’expérience de ce qu’ils prétendent connaître et régler.
La tentation de crier « tous pourris » est grande, mais elle serait aussi injuste que crier « tous honnêtes ». Le populisme et l’angélisme font partie des opinions extrêmes dont il faut se méfier.
Reste que l’Haut-lieu prend bien à l’aise ses jours de gloire du 175me, en espérant que ce ne seront pas les derniers.
A sa place, je mettrais plutôt les trois couleurs en berne, et par décence, je fermerais ma gueule.
Cela vaudrait mieux pour tout le monde.

Poster un commentaire