La cata… la cata… la cata…
Les Twin towers et le drame du 11 septembre ne se sont pas éloignés de nos esprits. Les répliques des USA sont toujours en cours. Par contre, nous navons intégré cet événement dhistoire que comme un avatar de la folie meurtrière de quelques fanatiques, alors que sa répétition à Madrid et surtout en Irak devrait nous faire sentir quil y a sous ces attentats une dimension qui nous échappe. Celle dune guerre possible opposant des puissances formidablement armées contre des factions brandissant des tournevis et des cutters.
Bien entendu, nous sommes dans le camp de la guerre fraîche et joyeuse et, par conséquent, nous sommes remplis dhorreur à lencontre des criminels qui sen prennent à des civils.
Le plus révoltant des attentats a été celui revendiqué par Shamil Basayev, dun commando tchétchène prenant près de 1.200 personnes en otages - dont la moitié denfants - dans une école dOssétie du Nord, le jour de la rentrée des classes.
Javoue avoir versé des larmes de dégoût en regardant les scènes épouvantables de cette barbarie à la télévision.
Chose curieuse, jai, par contre, ressenti un sentiment de vengeance justifiée lorsque tout dernièrement jai revu des reportages sur le bombardement de Dresde en 1945, quelques mois avant la fin de lAllemagne nazie, dans lequel périrent des dizaines de milliers de femmes et denfants, tout aussi innocents que les otages dOssétie sous les bombes américaines et anglaises.
Lhomme est une bête curieuse. Ce quil condamne dun côté, il laccepte de lautre. Alors que toutes les guerres sont des saloperies sans nom. Dans le cas des attentats, on nous a fait remarquer que ce nétait pas « faire la guerre », quil ne sagissait rien dautre que dune maffia criminelle. Daccord. Mais alors, quon me dise ce quest une maffia criminelle, où commence-t-elle et où devient-elle une « juste cause » démocratique ?
…
On dit que le troisième millénaire a commencé le 11 septembre 2001, que cest une véritable coupure historique. Lévénement de ce jour-là est sorti du virtuel pour entrer dans le réel.
A revoir les films amateurs qui ont été tournés au moment des faits, on est frappé de lincrédulité qui se lit sur les visages. Les gens ont du mal à croire ce qui leur apparaît comme insensé et impossible, à peu près de la même manière que sils contemplaient un phénomène inexplicable et qui pourtant a lieu, comme a pu être le tsunami ressenti comme une vengeance des dieux par les populations insulaires !
Mais alors, la pire des monstruosités, du fait de la nature ou de celui des hommes, devient possible ! En principe, ce qui devient possible, ne létait pas auparavant ! La logique voudrait, que si cela sest produit, ce soit au contraire, quelle était possible ! Donc, tout peut arriver.
Ainsi, une fois de plus, nous aurons passé de labstrait au concret, sans bien comprendre...
Proust dans « Albertine disparue » décrit le désarroi et lincrédulité qui saisissent les gens devant limprévisible. « Pour se représenter une situation inconnue limagination emprunte des éléments connus et à cause de cela ne se la représente pas ».
Cest bien le drame des démocraties dont les dirigeants ne gèrent que limmédiat et surtout ne préparent pas les lendemains possibles, a fortiori sils les pressentent catastrophiques.
Nous payons chèrement le slogan électoral : « Votez pour moi et cela ira mieux ! ».
Cest le problème de Bush qui ne signe pas les accords de Kyoto et qui pousse lAmérique à vivre dans des conditions telles que cela savérera une lourde faute aux générations américaines futures. Il ne le peut pas, comme ne le peuvent pas tous les dirigeants occidentaux pour la bonne raison quils sont élus pour des « challenges » euphoriques et prospères, et non pour des prévisions aléatoires.
Un homme politique est élu pour gaspiller, non pour prévoir les difficultés générées par son gaspillage. « Après nous le déluge » est la clé du code. Résultat, tôt ou tard, cest le déluge. Eh bien ! nous y sommes…
Si les actes barbares du type « 11 septembre » sont inscrits dans la mémoire collective et donc possibles, il en est des crises de civilisation tout aussi redoutables, mais qui restent dans les esprits comme « impossibles ». Les gens pensaient exactement la même chose cinq minutes avant lattentat contre les Twin towers.
Une crise de civilisation réputée « impossible » est, cependant, « certaine ».
Le tout est de savoir quand elle aura lieu ?
Il y a dabord lenseignement de lHistoire.
Rien ne dure. Rien nest infini. Tout évolue jusquà un point de rupture dune civilisation qui dès lors, devient « ancienne ».
Qui ne voit comme léconomie productiviste pousse lhomme vers des impasses et comme les signes avant-coureurs sont nombreux quune telle chose nous pende sous le nez !
Cette civilisation qui allait soi-disant faire entrer lhomme dans une ère de prospérité sans égale sachève sur des décombres et en ayant déçu tout le monde. Le premier des signes dune crise majeure est dans labsolue foi de façade de nos contemporains dans lavenir. Un peu à la manière de Clint Easwood en manager de boxe dans son dernier film. Derrière la façade, la peur du lendemain partagée par tous.
Le deuxième signe se vit sur le terrain où se constate lénorme différence entre ce qui se dit dans les sphères du pouvoir et la réalité de la rue.
Et enfin, comme la romaine et la grecque qui périrent de leur incapacité à intégrer leurs esclaves, notre civilisation se perd dans la même incapacité, avec ses centaines de millions de travailleurs-esclaves et de chômeurs misérables.
Les éléments naturels malmenés, les huiles fossiles épuisées, à eux seuls seraient suffisants pour précipiter une fin de civilisation par un effet « mécanique », pareil à la catastrophe qui mit fin aux dinosaures.
Il y a un argument imparable qui rend crédible la vraisemblance du scénario. Cest le même qui a fait croire impossible leffondrement des Twin towers : cest la certitude obsédante et imbécile que la démocratie libérale est la seule voie possible, ce qui a pour conséquence une absence cruelle de projet ou plan de remplacement sur dautres critères comme lécologie et la fin du productivisme.
Cest justement, parce quon la croit debout pour mille ans, comme croyait Adolphe son IIIme Reich, que la démocratie approximative qui saupoudre ses « valeurs » soporifiques, pourrait seffondrer dans les mêmes cris dincompréhension des spectateurs des Twin Towers..