Une bouche de la vérité bien nourrie
Nos collabos secrets des années vert de gris ont eu plus de chance que leurs homologues polonais et roumains.
Nos balances qui tapissaient les murs de la gestapo de leurs dénonciations, à la Libération après une chiasse dune quinzaine de jours où il ne faisait pas bon être adolphin, ont respiré un bon coup quand les Résistants ont rendu leurs armes aux Américains et à la Brigade Piron, pour bosser à lusine.
Ah ! la lettre aux Autorités allemandes, dans quelle main était-elle en 45 ?
« Je vous signale quau 54, rue Marcel Déat, on écoute Londres et sans doute quon héberge des Juifs, signé un admirateur dAdolf ».
A la Libé, enquête, empreinte digitale, comparaison décriture, contre-délation des voisins libérés des Fritz, et hop, ladolphin pouvait se retrouver en cabane où tout pouvait arriver.
Ce nétait pas le moment de faire les mariolles.
Je suppose que les collabos survivants ont perdu la mémoire depuis longtemps. Les autres… le diable les emporte !
Les sacs de lettres anonymes ont disparu, sauf, de ci, de là, une enveloppe restée coincée derrière un tiroir ou un facteur résistant qui a pris le risque de ne pas donner cette saloperie aux Allemands.
Pour les plus exaltés, le temps denterrer au fond du jardin la croix de fer du fils gagnée à Tcherkassy, ils ont hissé les trois couleurs et fait du marché noir avec les Américains.
Sur la lancée de sa connerie, lAdolphe, « Nuit et brouillard » à fond, a fait détruire par ses sbires archives et traces. Pas pour faire plaisir aux collabos, cétait dans son esprit pour que rien ne subsiste derrière lui, déjà « précurseur » esprit dOussama. Heureusement que certains officiers de la Wermacht étaient moins salauds. Ils nont brûlé que les papiers, pas les maisons. Enfin, pas tous.
Mais les communistes polonais ! de ces kilomètres darchives… de ces inoubliables collaborateurs secrets, à tel point que les listes circulent sur Internet, mais en patchwork avec leurs victimes. Si bien que les Polonais découvrent horrifiés que leur voisin si gentil « en était » mais nul ne saurait dire si cétait devant ou derrière les barreaux !...
Quant aux Roumains, la bureaucratie y était telle que la Securitate, la police du Conducador, sest peut-être persuadée que la meilleure façon de noyer le poisson, était encore de faire visiter les caves. Personne naurait le courage, pensait-elle douvrir les cartons.
Officiellement les argousins de Ceausescu comptaient 20.000 officiers. Mais la Securitate sétait assurée de la complicité de plus de 600.000 informateurs, recrutés à tous les niveaux de la Société.
Las ! une association de détenus politiques épluche les monstrueuses archives. Déjà les statistiques – les Roumains sont des gens à statistiques – ont déterminé que 39 % des informateurs avaient fait des études supérieures et 37 % des études secondaires. Cest dire si côté intellectuel, ça y allait la balance. A peine un 1 % 5 de ceux-ci étaient rémunérés et un autre 1 % 5 avaient cédé au chantage. Les 97 % des admirateurs-délateurs de Ceausescu avaient été poussés par des « sentiments patriotiques et politiques ».
Les chercheurs qui lisent les dossiers sont stupéfaits du ridicule des accusations et de la bêtise des agents de la Securitate. Ils inventaient les ennemis du régime à tout va pour étendre les petites affaires délatrices. Avec ses 21 millions 600.000 habitants la police politique avait de quoi faire.
Tout le monde avait sa fiche, selon que le citoyen roumain était délateur ou victime. Lespoir du régime était sans doute de faire passer les délateurs à 10 millions et quelques, de sorte que le génie des Carpates place sous les verrous la moitié de la population.
Enfoncé lAdolphe…
Je croyais – comme jétais naïf – que seule la population allemande était disciplinée au point de suivre son führer dans toutes ses conneries. Je me trompais, en Europe, on nest pas mal non plus dans létude sur le chien de Pavlov.
On bondit au coup de sonnette, à la dénonciation, à lamour des polices et du dictateur avec tellement de zèle quon se demande si on na pas intérêt à se réfugier sur une île déserte… et encore, sans papier ni crayon. On serait capable de se dénoncer soi-même !