Le don de soi
8 h 48 – Réveillé par des pigeons qui roucoulent sur ma terrasse, jen informe aussitôt la RTBF qui estime cette information peu médiatique.
9 h 07 – Jai un peu dentérite. Je téléphone aux informations. Cest Cédric Wauthier, un intérimaire, qui mexplique quil nest là que pour son magazine de lhabitat.
9 h 15 – En me rasant, je me découvre un bouton à la base du nez. Je tombe sur Anne Quevrin à RTL. Elle na pas le temps. Elle repart à Rome. Cest la première qui me dit quelle sen fout. Ce ne sera pas la dernière.
9 h 52 – Joublie un toast dans le grille-pain, il me semble que je respire mal à cause de la fumée. Olivier Maroy que jai au bout du fil, me conseille dappeler les pompiers. Je veux lui expliquer que la fumée qui séchappe de mon grille-pain mindispose. Il coupe son téléphone.
10 h 17 – La journée commence mal. Jai un début dérection et Marie est quelque part dans les Ardennes. A RTL, Luc Gilson me conseille une branlette. Jai beau lui dire que je suis chrétien, il me dit daller me faire foutre. Daccord. Mais où ?
11 h 14 – Que vais-je manger à midi ? Je sens que je vais avoir des crampes à lestomac. Je tombe sur Claudine Brasseur au boulevard Reyers. Tout le monde est parti à Rome. Il ny a plus quelle. Elle me demande si jai un animal de compagnie. Mes crampes destomac, ne limpressionnent pas. Finalement, je prendrai son poisson rouge en pension, lundi elle va couvrir lenterrement Rainier, rapport au musée océanographique Louis II.
12 h 08 – Ce nétait que la faim. Mes crampes ont disparu devant une omelette aux champignons. Jen veux faire profiter la rédaction de RTL. Sabine Mathus en duplex de Rome répond par des grossièretés.
13 h 14 – Silence total sur lensemble de la ville de Liège. Jen informe aussitôt qui de droit. Jacques Mercier mexplique quaucune minute de silence nest prévue à 13 h 14 pour qui vous savez. Je len remercie. Jouvre ma fenêtre, le bruit reprend. Je suis soulagé.
15 h 38 – Après une courte sieste, en me levant du divan, jai un étourdissement. Je bondis sur le téléphone. Voilà au moins quelque chose de sérieux. Fabienne Vande Meerssche est de mauvais poil. Elle me traite de cinglé. Je lui réponds sur le même ton. Jentends comme des gargouillis. Elle doit avoir des problèmes de dentier. Le ton monte. Cest moi qui raccroche.
16 h 09 – Un préposé à « Spécial Vatican » à qui je demande comment je devrais my prendre pour réussir une mayonnaise, me traite de sale con. Je lui réplique que son agressivité ne me poussera pas à me faire « catholique ». Il comprend « cathodique ». Il se radoucit et me force quasiment à accepter sa photo dédicacée. Il écrira « à ma chère duchesse de Gloucester ». Il me prend pour une femme. Elles doivent drôlement manquer chez les curés.
20 h 21 – Je ferme la télévision. Depuis une heure, je compte les pavés de la place Saint-Pierre. Je me demande si la papamobile nest pas à vendre ? RTBF me branche sur Marie-Pierre Mouligneau qui me prend pour le météorologue de Beauvechain. La conversation est hard. Cest moi qui raccroche, juste comme japprends la couleur de son string. Homme dhonneur, je nen soufflerai mot à personne.
21 h 57 – Une douleur au côté droit me fait craindre le pire. Allô – Ici Barbara Louys, pour lémission « Cest du belge ». Cest pourquoi ? Je lui dis tout sur ma douleur qui me fait craindre un arrêt cardiaque. Cest Thomas van Hamme qui prend le cornet pour me signaler que le cœur nest pas à droite, mais à gauche. Je veux faire de lesprit en répliquant quà la RTBf on le me dirait pas. Jentends rire Barbara Louys. Si elle avait ri de la même manière de lAutre illustre, on la flanquait à la porte sans préavis.
22 h 50 – La journée est finie. Nayant rien de spécial à dire, je pense que cela intéressera les téléspectateurs. Anne Delvaux prend mes coordonnées. Mon cas la branche. Elle va envoyer une équipe. Je demande quand ? Elle ne sait pas. Devient de plus en plus évasive. Me conseille les Urgences. Je sens bien quelle voudrait, elle aussi menvoyer sa photo dédicacée, mais Marie vient de rentrer. Anne me parle de sa solitude au boulevard Reyers, me dit quelle aussi ressent parfois un vide absolu et la vacuité de son existence. Je veux raccrocher. Elle semble vouloir prolonger lentretien. Puis son ton change. Cest fait, la police à mes coordonnées et si je continue à lemmerder, je vais avoir des ennuis !
23 h 58 – Jouvre mon ordi pour lancer le blog du lendemain. Le sentiment de nêtre rien, même avant ma mort, maccable. Malgré mes efforts, je nintéresse personne. Je fais une crise de jalousie. LAutre, celui dont tout le monde parle depuis huit jours, même mort, intéresse plus que moi, vivant. Cest à croire que sil ny avait eu que Lui sur la terre, le monde eût été dune grande perfection. Seul inconvénient, qui aurait parlé de sa vie, de son œuvre ? Même lémotion planétaire naurait pas été ressentie à sa juste valeur.
Quant à sa succession… nul nest capable de légaler, sauf sil savérait quil a eu un fils. Je vais téléphoner à Véronique Genest pour quelle ouvre une enquête. Cela pourrait aider le conclave ?