Le secret dun grand homme.
-Monsieur Jean-Louis Beaucorgniau, connaissez-vous lorigine de mon nom ?
- Jy travaille…
-Il paraît que vous vous aidez de la physionomie des porteurs vivants du nom, pour les plus illustres paternités.
-Vous êtes jeune, jolie, vos mensurations de rêve. Attendez, ne seriez-vous pas la fille de… ?
-Exactement.
-Mais, vous navez pas gardé le nom de votre père, par mariage sans doute ?
-Non. Je porte le nom de ma Mère.
-Cest une décision qui vous est personnelle ?
-Vous pensez bien que si javais pu mappeler comme mon père…
-Vous souhaitez donc que je parle des origines du nom de votre père ?
-Sil vous plaît.
-Je pense que son origine est slave… peut-être polonaise ?
- Par quelle déduction ?
-Ce nest pas difficile, vous parlez douze langues et litalien avec un léger accent. Racontez-nous lhistoire de votre famille.
-Ma Mère est une sainte femme qui a beaucoup souffert à Cracovie. Elle était la femme dun menuisier, avant quelle ne connaisse mon père.
-Vous étiez très pauvres. Vous êtes née dans une étable.
-Oui, entre un bœuf et un âne.
- Toujours cette similitude avec les temps bibliques !...
-Dautant que le menuisier sappelait Joseph !
- A Cracovie ?
-Oui, à Cracovie.
- La Pologne, votre ressemblance, le fait que vous ayez choisi le nom de votre mère et que vous écriviez mère avec une majuscule…
-Monsieur Beaucorgniau vous remuez des souvenirs bien douloureux…
- Je sais derrière le chemin de croix, les bosquets, loccasion favorable…. Cest là que Marie trompa Joseph avec votre père !...
-Vous savez tout.
-Elle faisait du théâtre. Oh ! pas du grand théâtre… non, un théâtre qui exaltait la foi chrétienne. Lui aussi…
-Cétait un jeune auteur-interprète dart dramatique. Jaruzelski lui avait refusé sa pièce : « Staline Renaud était un homme », déjà des jeux de mots, une satire sur le monde communiste.
-Oui. Votre mère et lui vécurent une passion, qui ne ressemblait en rien à celle de Pâques.
-Une double histoire de la Passion, en quelque sorte, par la coïncidence des dates.
-Là aussi, avec un grand P pour lAutre et un petit « p » pour celle de vos parents.
-Dites donc Beaucorgniau, ne soyez pas vulgaire…
- Lui, sur laffiche sappelait Czsztsez, un nom imprononçable pour une carrière internationale…
-Et pourtant !...
-Et ma mère…
-Grande tragédienne, nom de théâtre Dolorès… la Dolorès. Après quelle se fût retirée dans un monastère pour expier sa faute, quêtes-vous devenue ?
-Elle ne sest pas retirée assez vite... Quand elle est partie, cest le menuisier qui ma élevée.
-Le brave homme !
- Mon père disparut. Il avait une autre vocation… Il a toujours habité un rez-de-chaussée. Le propriétaire habitait les étages. Il avait peur de ce qui se passait en haut !... fasciné par le ciel. Il levait toujours la tête. Quelques années plus tard, il réapparut transformé !... Plus beau que jamais.
-Il était entré dans les ordres ?
- Il avait trouvé sa vocation.
-Il y a réussi de la merveilleuse façon que lon sait.
-Un peu mon neveu. Quelle carrière !... Il a été le plus grand. Mais il a sacrifié sa famille, Marie, la Pologne pour se choisir une patrie étrangère…
- Oui. Mais il y est devenu quasiment chef dEtat !...
- Le monde entier la célébré. Tout le monde a parlé de lui et en parle encore.
-Cest un véritable triomphe posthume…
-Il était déjà fort connu avant.
-Il a beaucoup tourné ?
-Un véritable athlète ! Il a fait tous les continents, infatigable, même malade… avion, voiture, tramway…
- Ah ! oui, le tramway quil désira tant…
-Destin hors norme… Par contre ma Mère et moi, sa pauvre fille !...
-Cest terrible. Et, il ne vous a rien laissé, un petit viatique, un souvenir ?
-Il navait rien à lui. Il avait passé un contrat. On soccupait de tout. Il navait quà paraître Et ce quil rapportait, cest sa Société de production qui sen emparait.
-Comme cest cruel !
-Pauvre Marlon Brando !...