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Liège, pépinière de stars.

-Ça va Claudy ?
-Non, ce n’est pas moi, Claudy !
-Comment ce n’est pas toi, Claudy ?
-Non. Je ne m’appelle plus Claudy.
-T’es qui, toi ?
-Rick Star.
-Depuis quand tu t’appelles plus Claudy ?
-Depuis la semaine dernière.
-Avant tu t’appelais bien Claudy Fassotte des Cahottes au-dessus de Flémalle, poète et musicien ?
-C’est toujours aux Cahottes que j’habite et je suis toujours poète et musicien. Mais, je m’appelle plus Claudy.
-Ta mère, c’est tout de même la grande Josée, présidente des majorettes ?
-Oui.
-Et toi, tu n’es plus Claudy Fassotte ?
-Non.
-Comment ça se fait ?
- J’ai un producteur qui m’a fait changer de nom.
-T’as un producteur ? Il produit quoi ?
-Je suis compositeur interprète.
-Tu composes quoi ?
-Fais pas la bête, Kevin. Tu sais bien que je joue de la guitare…
-Oui. Mais comme ça, quoi, pour s’amuser et épater les filles dans le garage.
- Eh bien ! tu le croiras pas, c’est un métier.
-T’es plus chômeur, alors ?
-Si, mais plus pour longtemps.
-Tu vas faire quoi ?
-Tu t’es trop branlé ou quoi ? T’es sourd Kevin ? Je te dis que je chante.
-Et depuis quand on gagne de l’argent à faire chanteur aux Cahottes ?
-Pas aux Cahottes, ni même à la Prout Station, mais dans un studio à Anderlecht.
-Tu chantes au club de football d’Anderlecht ?

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-Mais non que t’es bête. Mon producteur a un studio d’enregistrement à Anderlecht. Il a entendu mes compositions. Il dit que c’est le succès assuré. Qu’à part changer de nom, de look et surtout que ma mère vienne pas aux répétitions en minijupe ras la gaufre de majorette, que j’ai une chance d’être au hit d’ici deux ans.
-Là, tu en jettes ! Claudy…
-Rick Star.
-Rick Star. Tu vas pouvoir me rendre les quatre-vingts euros que tu m’as empruntés pour ton téléphone portable.
-Justement. C’est pas encore fait. Je dois louer le studio, payer un batteur et une deuxième guitare, sans compter les affiches et le premier concert… ça fait de la thune.
-Ah bon !... c’est pas encore fait !
-Je suis reçu demain par Monfils, le sénateur, qui donne des ronds aux artistes méritants.
-Ouais. Je me souviens. C’est lui qu’avait reçu le cinéaste liégeois qu’on avait vu à Striptease !
-Il a été très gentil au téléphone. I’ m’a demandé que je chante un bout « D’amoureuse allumeuse » a capella.
- A ouais, ton succès… Qu’est-ce que c’est a capella ?
-T’es sot, toi !... C’est chanter avec une cape, en costume…
-En costume au téléphone !
-J’ai refusé. A cause que je dois apprendre l’anglais.
-Tu chantes en anglais ?
-J’apprends. D’après mon producteur, il aime mieux entendre « Amoureuse allumeuse » en yaourt, comme il dit, rapport à mon accent liégeois.
-C’est quoi en yaourt ;
-Tu chantes avec l’accent anglais, mais avec tes mots de la poésie en français.
-Du dieu ! c’est compliqué, et drôlement fort.
-Je m’exerce avec ma mère.
-Justement, j’étais venu pour la voir.
-Pourquoi ?
-Ecoute, c’est pas tes affaires.
-Tu crois que je ne sais pas ce que tous ceux des Cahottes viennent faire quand ils veulent voir ma mère ?
-Puisque tu le sais, pourquoi me le demandes-tu ?
-Parce que c’est fini, tout ça. Qu’est-ce qu’on dirait dans les médias si la mère de Rick Star s’envoyait tous les cons des Cahottes ?
-Et qu’est-ce qu’elle dit de ça la grande Josée ?
-Elle dit que j’ai bien raison. Et qu’elle va aller voir Monfils avec moi, pour lui demander de lui trouver quelqu’un de bien, avec qui elle pourrait se calmer un peu les nerfs.
-Ah ! il va en avoir du boulot, cet homme, avec vous deux…
-Alors, tu peux aller te faire reluire ailleurs, pour le même prix. Ici, c’est plus que du grand écart scénique. Et c’est Rick Star qui te le dit.

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