Marx ou Elio ?
Lhistoire du monde na été quune succession de conflits entre dominants et dominés, conquérants et conquis, maîtres et esclaves, forts et faibles, nobles et serfs, industriels et ceux qui nont que leur force de travail, riches et pauvres, et tout dernièrement, les partis politiques qui ont dit « oui » à la constitution Giscard et le petit peuple qui a dit « non ».
Dans cette bipolarisation conflictuelle, ce sont toujours des intérêts contre dautres intérêts. Et il ny a pas de raison que cela cesse, lhumanité nayant jamais crû en sagesse en même temps quen nombre.
Lorsque Raffarin au début de son mandat de premier ministre a parlé de la France den bas, nétait-ce pas une façon de confirmer que la France était coupée en deux, la France den bas supposant quil y ait une France den haut ?
Le clivage nest pas net. La démocratie, cest un malentendu entre ceux qui ont le pouvoir économico politique, et ceux qui nont que leur bon vouloir. Et lon sait comme cette capacité dernière est malmenée par les temps qui courent.
Il y a plus de 30 ans, le PS avait solennellement rejeté le principe de la lutte des classes. Cette politique était devenue obsolète. Il était nécessaire dabandonner une attitude hostile vis-à-vis des nantis pour normaliser des relations humaines désormais sans classe.
Cette abolition avait pour but de rapprocher les socialistes des détenteurs de la force économique afin que les producteurs partageassent les fruits de la prospérité. Autrement dit, dès que cette politique fut décidée, pour se faire accepter du camp den face, fallait-il que les droites considérassent les socialistes comme des alliés plutôt que comme des ennemis. A cette époque, les puissances dargent étaient dominées par la frousse du communisme. Elles avaient lâché du lest et auraient été prêtes à en lâcher encore. Ce quelles nont plus voulu faire dès la chute du mur de Berlin.
Quand la confusion dintérêts paraît donner raison au rapprochement, le renoncement socialiste semble logique ; mais quand dévidence elle ne lest plus, cest le drame.
Lorsquelle fut voulue, cette abolition de la lutte des classes ne reposait que sur des suppositions et des projections dans le futur qui se sont révélées fausses. Cette nouvelle culture exprimait la primauté du rapport à largent quavouait désormais une société sans alternative réelle, et dans laquelle tout le monde, peu ou prou, sintégrait dans le marché. Il y avait donc une intériorisation du libéralisme et du marché comme règle de léchange. Cela concrétisait la montée en puissance dune culture de la performance. Longtemps, être moderne signifiait rejeter la tradition et être transgressif. Aujourdhui, ce serait plutôt épouser la cause de José Bové et par un retour en arrière, éprouver de la nostalgie pour ce que valurent de bienfaits les conquêtes des travailleurs du temps de la lutte des classes.
Les socialistes réformistes à limage de Di Rupo sont en passe de faire figure de collaborateurs godillots par les classes supérieures, et de « vendus » par le monde du travail. Cette situation inquiète la gauche qui devra en tenir compte dans ses choix du futur.
Aujourdhui, chacun fait linventaire de ses acquis et constate quils sont en perte de vitesse chez les petits et exponentiels chez les pourvus.
La droite a depuis longtemps choisi le camp de la mondialisation et de la concurrence sauvage, la gauche ne sait plus quel est le sien.
Au moment dune emprise sans pareille du capitalisme, la réaction en termes de lutte des classes manque à larsenal de la réplique. La lutte des classes avait au moins le mérite dexposer clairement que la victoire dun camp fait toujours le malheur de lautre.
Tout ce qua écrit Karl Marx, sent le soufre, cest entendu. Pourtant, frappé du coin du bon sens, le marxisme apporte souvent des solutions à la boulimie capitaliste. Le rejet du marxisme est plus quune question de mode. Par lhabileté des propagandistes pro-américains de la guerre froide, nous est resté la conviction que Marx a engendré tous les malheurs du communisme. Si cette oeuvre était celle aujourdhui de Bernard-Henri Lévy, on en serait à tisser des couronnes pour ceindre le vaste front de lauteur du Capital.
Les socialistes réformateurs ont réfuté le schéma de la lutte des classes pour sengager dans lempirisme dune réconciliation avec le monde libéral. Ils sy sont enfermés, trop marqués par leur collaboration pour en sortir facilement.
Si très rapidement ils ne parviennent pas à vaincre le chômage, ils vont se trouver en porte-à-faux entre ce quils prétendent être et ce quils sont réellement.
Cest un dilemme, car enfin, ils ne peuvent rien modifier dans le social sans laval de léconomique.
A la rigueur, ils se fondront dans le parti libéral comme le FDF et la frange PSC de Deprez. Ils ne tiennent déjà plus la gauche que par leurs réseaux, le clientélisme et lespèce de réputation quils usurpent en matière de justice sociale.
Oser dire que le système actuel ne leur convient plus et revenir au marxisme, voilà la seule issue. Ce nest pas pour demain.