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The lost week-end

En discothèque, c’est moins pour faire une rencontre avec un plus si affinité que pour ne plus se sentir seul. Tout le monde sait que « le plus si affinité » ne va jamais bien loin, un peu comme les chiens qui se reniflent les parties génitales, passent à l’acte et vaquent ensuite à leur passe-temps favori qui est d’aiguiser leur odorat sur des senteurs qui ne sont pas précisément des nuits de Chine, à savoir, qu’ils repartent en chasse comme s’il n’avait rien vécu.
Mais à la différence des chiens, l’homme se souvient et souvent son passé le conditionne à répéter à l’infini ce qu’il estime bon pour lui et qui à l’expérience n’est qu’une chimère de plus. Et puis, il y a chez certains cette sorte de remord quand la conscience distingue le bien du mal. Ce qui n’est pas toujours le cas.
La solitude est le mal de la société de consommation.
Selon le philosophe Berdiaeff, c’est la marque de la détresse humaine. On croit pouvoir surmonter ce tragique, tout en sachant que c’est impossible.
Mais les sorteurs n’en ont pas conscience, évidemment. Ils finissent par éprouver ce que le philosophe a prédit mais sans pouvoir analyser ce phénomène de solitude afin de le comprendre et d’essayer de le maîtriser, d’où l’angoisse permanente dans la recherche de l’autre et une insatisfaction pénible au bout de quelques relations.
La solitude est liée à la désillusion. On a raté quelque chose au départ, une motivation suffisante, le sentiment de n’avoir pas la profession qui convient, d’avoir une compagne ou un compagnon dont on a vite fait le tour – enfin le croit-on – et qui, devenant sans mystère, devient sans intérêt.
Parfois, à force de se croire meurtri, le sorteur devient une sorte de monstre cynique et sans sentiment. Quoique entouré de ses victimes passées, présentes et futures, après une acculturation du milieu lénifiant du bruit, du shit et de la fureur, la solitude lui devient nécessaire. Elle n’est plus refoulée, mais sublimée par dégoût de soi et des autres.
Les multiples sorties, les baisades (selon Flaubert), les prises d’alcool, n’ont plus qu’une seule fonction celle de divertir du temps qui passe et de masquer par des artifices une condition morale misérable.

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L’impératif festif n’est plus rien que l’animalité du chien sur la piste des femelles urinantes, qu’une déprimante culture du futile et du vain, même si donner les hit des Led Zeppelin peut momentanément satisfaire une prétention à la connaissance spécialisée au milieu dans lequel on se trémousse.
Ce nihilisme des temps modernes, s’il irrite le travailleur anonyme, au point qu’il stigmatise la jeunesse oisive et dépravée, sans trop savoir lui-même ce que son mépris recouvre de refoulement et d’envie tout aussi grossière, ne saurait être perçu comme un plaisir, mais comme une souffrance, tant avec un peu de psychologie on décèle aisément sous la pose, une détresse profonde et souterraine.
Cet arrachement au défilement des heures, loin d’apaiser l’angoisse, la « glucomatise ». Le sorteur a besoin de poursuivre le plus longtemps possible le rêve de son existence nocturne. Il va donc, naturellement, s’arracher de son quotidien en s’enfonçant dans l’oreille la sono des soirs de discothèque. Il se vêt de tenues qui sont les plus propices à attirer l’attention et les achète quel qu’en soit le prix, afin de se fabriquer un look qu’il veut personnaliser, mais qui n’est que le stéréotype de la multitude.
Pauvre vie en somme d’une humanité qui s’abstrait de l’humain et de la connaissance, pour se singulariser dans la sono, l’alcool, la drogue et le sexe dont elle ne sortira que fort endommagée et qui mettra longtemps avant de se reconstruire.

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