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Kamikaze !

Après les gesticulations à la suite de l’attentat de Londres et les égards dus aux victimes qui ont mobilisé deux minutes le peuple européen, il conviendrait de retrouver suffisamment de raison pour admettre que, puisque nous sommes des animaux, « savants » certes, mais des animaux avant tout, nous devions tenir compte aussi de la bestialité de notre espèce.
Aussi que nous soyons « saisis d’horreur » à la connaissance des attentats, rien de plus naturel, mais que nous marquions de l’étonnement, prouverait que nous oublions aisément ce que nous sommes.
Or, de tous temps, les exemples abondent d’humains, jusque là sans histoire, saisis de la rage de tuer. Et pas que dans un passé lointain de barbarie. La fin de l’esclavage ne date dans nos pays que du XIXme siècle. C’est-à-dire hier ! N’avons-nous pas montré autant de bestialité consciente que celle dont font preuve les kamikazes londoniens ? Ce l’est même plus en comparaison du nombre de victimes.
Serait-ce qu’étant issus d’une civilisation productiviste, nous ne mesurions les crimes qu’au seul critère économique ? Et dès lors, les millions de morts que nous avons semés sur notre route du succès et de la démocratie seraient la rançon de notre progrès et, par conséquent, nécessaires ?
Ceci dit, convenons que cette bestialité se sert de tous les prétextes pour nier une morale universelle grâce à son ersatz qui nous arrange bien. Aujourd’hui aux noms de nos vertus supposées, nous condamnons l’intégrisme musulman, hier c’était l’anarchie aussitôt réprimée dont l’épisode sanglant de la Commune de Paris où plus de 35.000 ouvriers périrent en une semaine de par la volonté bourgeoise.
Que les kamikazes anglais quittent leur famille et leur quartier où ils étaient bien considérés pour se faire exploser poussés à ces crimes par d’autres hallucinés de la pensée divine, cela fait partie des aléas de la pulsion de mort. Nous en sommes prodigues, tel ce professeur de philosophie d’université étranglant une compagne de vie de plus de vingt ans, comme ça, sans motif, par simple entraînement d’instinct.
Il faut s’inquiéter de ce phénomène dans la mesure où nos dirigeants donnent l’exemple avec la volonté de régler des conflits par le sang, lors même qu’ils tiennent des discours contraires. C’est le cas ces temps-ci de Messieurs Bush et Blair. Faut-il se dire surpris des retours de manivelle ?
Gauguin revenu à Tahiti en 1897 peignit une toile qui porte en exergue « D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? »
Nous ferions bien de nous interroger sur ces questions fondamentales avant de nous effrayer de la perversité du génie humain.
Tout ce que nous savons faire, c’est y répondre comme l’humoriste Pierre Dac :
Je viens de chez moi. Je suis moi. Je retourne chez moi.
C’est très drôle et finalement moins sot que ce que nous lisons comme commentaires sur les événements de Londres.

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La sainte colère démocratique, les lamentations grandiloquentes sur les « morts inutiles » (comme s’il y avait des morts utiles) et cette prostration des millions d’anonymes, le menton sur la poitrine pendant deux minutes, ne feront avancer d’un iota cette réflexion sur nous-mêmes que nous nous devons et qu’une réelle civilisation aurait dû susciter dès les événements de New York en 2001.
Au contraire, nous entendons des discours musclés suivis d’actes répressifs qui attisent les haines et les méfiances.
Si bien que se réduiront encore un peu plus les libertés que paradoxalement nous défendons par des restrictions de liberté.
Nous n’aurons pas ce débat nécessaire sur le devenir de l’homme, parce que nous ne sommes pas capables de regarder cet autre nous-même, ce misérable, qui satisfait son instinct de mort en se faisant exploser dans une foule innocente et parce que nous continuons de penser qu’il y a deux morts possibles, l’une sacrée et l’autre nécessaire ; celle du héros qui défend sa patrie et celle de l’ennemi, parce qu’il est nécessaire qu’il meure.
Ecoutons Platon plus de vingt-quatre siècles avant nous : « …je compris que tous les Etats actuels sont mal gouvernés, car leur législation est à peu près incurable… Je fus alors amené à louer la vraie philosophie et à proclamer que, à sa lumière seule, on peut reconnaître où est la justice dans la vie publique et dans la vie privée. Donc, les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n’arrive au pouvoir ou que les chefs des Cités ne se mettent à philosopher véritablement. »
Voilà pourquoi, dans ces circonstances, en l’absence de philosophes à la direction des affaires, je me rallie à l’explication de Pierre dac.

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