A lassaut des déserts
Avec 21 militaires tués depuis mardi en Irak, le bourbier est devenu une sale guerre pour larmée américaine et ses satellites.
La réticence dune grande partie de lopinion gagne du terrain à loccupation armée après la déposition de Saddam Hussein aux noms des grands principes.
Bush fait un tort considérable à la cause quil croit défendre. La démocratie victime de ses maladresses est fortement dépréciée et na plus aucune chance de remplacer des régimes totalitaires au Moyen-Orient. Voilà bien le résultat inverse de ce quil souhaitait. Cela sappelle un flop.
Un retour en arrière est-il possible ?
En politique, il est interdit de reconnaître ses torts sous peine de se faire hacher menu par les électeurs.
On le voit suffisamment en Belgique, où ne jamais reconnaître ses tort est une constante en matière de gestion, quitte, en sous-main, dès que lélecteur sest assoupi, à faire le contraire de ce quon avait claironné bien haut.
Oui, mais lIrak, une guerre de cette ampleur avec les dégâts humains et les déficits abyssaux quelle provoque, ne peut pas passer suffisamment inaperçue au moment des accalmies pour pouvoir changer la donne.
Et voilà Bush bien embêté. La patate chaude ira à son successeur qui aura peut-être lopportunité de rembarquer les GI, ce qui nest pas sûr, tant lAmérique profonde, naime pas un exécutif « sans honneur » et la honte « dune défaite » qui « insulte le drapeau ». On sait les positions bellicistes de Hillary Clinton, sénateur de New-York, après le 11 septembre. Pouvait-elle faire autre chose ? Lespèce de consensus « obligé » de la classe politique soude assez bien les Républicains et les Démocrates.
Aussi curieux que cela paraisse, les actions criminelles de ceux qui se revendiquent de la mouvance dAl-Qaida pour le retrait américain de lIrak, sont aussi ceux qui en les perpétrant redonnent un regain de popularité à Bush comme à Blair pour la poursuite de la guerre !
De quelque côté que senvisage la chose : rester ou partir dIrak a des inconvénients. La guerrière Condoleezza Rice a pesé le pour et le contre. Ses consultations à lissue de ses nombreux voyages nont sans doute pour but essentiel que de se faire une opinion.
Avec 1.820 morts et 13.700 blessés, lArmée américaine a de plus en plus difficile de recruter des soldats de métier, tous plus ou moins issus des milieux défavorisés. Les capacités intellectuelles et humaines de ses soldats de fortune – laffaire des tortures des prisonniers irakiens en est un exemple – ne relève pas le renom du Corps des Marines.
Bush souhaiterait évidemment que les forces de sécurité irakiennes prennent progressivement la relève afin denvisager un retrait progressif. Cependant, le risque dun effondrement de ces supplétifs souvent misérables et peu sûrs, journellement agressés par les résistances locales, est réel. Les gens de Bagdad et de Bassora considèrent cette armée « nationale » comme nous considérions les milices pro-allemandes de 40-45.
Donald Rumsfeld aura beau rêver « lIrak en sécurité dans les mains du peuple irakien » de sorte que les boys puissent rentrer à la maison mission accomplie, il est suffisamment au courant de la situation pour savoir que ce ne sera pas pour demain et que même si retour il y a, il y a de fortes chances pour quil ne soit pas triomphal, mais bien un mauvais remake du retour du Vietnam.
Pour la nation la plus puissante au monde, perdre une guerre dans la jungle et ensuite perdre une autre dans le désert, signifie quelle peut perdre partout.
La multiplication des coups de main contre larmée américaine pourrait même dégénérer en guerre civile, tant cette occupation étrangère vient jeter de lhuile sur le feu.
Dans ce contexte, lIran qui semble tenir à sa bombe atomique souffle sur les braises tant elle assiste amusée à léchec et à lusure des troupes du général John Vines, devenu son voisin.
Et nous, citoyens dun petit pays au cœur de lEurope ?
Inutile de revenir sur les débuts du conflit.
Les résultats sont là.
Recrudescence du terrorisme en Europe, frilosité des dirigeants qui seffraient au mot « bombe », augmentation des sécurités et renforcement des polices, ce qui est toujours mauvais pour les libertés, et recul de la démocratie sur tous les tableaux, voilà les premières conséquences de laffrontement américain en Irak.
La controverse entre les Nations dEurope à propos de la guerre dIrak nest pas bonne pour la construction européenne, surtout avec une Angleterre complètement accrochée aux basques de lOncle Sam.
Depuis le Vietnam, les Américains nont jamais cessé dempoisonner les relations entre Nations. Ils entraînent lEurope dans une dérive dont on na pas encore mesuré toutes les conséquences. La démocratie quils préconisent était un leurre. Elle est en train de devenir une chimère.