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Les beaux mandats

Il a fallu neuf ans pour qu’une loi votée en 1995 soit d’application en 2004. Cette loi touche les mandataires publics (ministres, parlementaires, bourgmestres, échevins, gouverneurs de province et députés permanents). Elle concerne le nombre de leurs mandats et l’état de leur patrimoine. On comprend que ces altruistes aient traîné les pieds.
La Cour des comptes vérifie si des petits malins ne racontent pas des craques, dans une atmosphère délétère, puisque aussi bien, 7237 quidams ont déclaré leur patrimoine sur 7768, soit 431 distraits ou fraudeurs. Parmi les distraits Happart et Raoul d’Udekem d’Acoz, comme qui dirait Barras et Necker.
La Une de la RTBf a cité quelques recordmen.
Le moniteur a publié la liste des bénéficiaires sur http://www.ejustice.just.fgv.be
C’est édifiant.
Hermann de Croo craint le voyeurisme médiatique.
C’est peut-être pour cela que son nom et celui d’Anne-marie Lizin n’apparaissent nulle part.
Ils rejoignent le club des nini.
Il n’a pas tout à fait tort, Hermann, car beaucoup de mandats ne rapportent pas une clopinette. Ils sont là pour faire reluire celui qui accepte d’y figurer. Il s’y noue d’intéressants copinages pour des perspectives électorales, sans plus… mais pas toujours. Les gens sont si médisants !... Parfois, ça cliquette ferme au tiroir-caisse. Bref, il est fort difficile au nombre des mandats de savoir ceux qui rendent les magots personnels obèses.
La question est de savoir comment on se débrouille pour honorer les mandats acceptés.
Les plus gros collectionneurs sont des libéraux et les socialistes regroupés du côté de Mons, si vous voyez ce que je veux dire.
A Liège, Willy Demeyer passe des nuits blanches avec 19 mandats dont 10 rémunérés, et sa consoeur Maggy Yerna en appétit démocratique n’en a que 16, dont 8 rémunérés.
Parmi les grands interprètes de la voix du peuple, épinglons les avocats et les médecins. Le PS liégeois Jean-Pascal Labille ne se défend pas mal, Christine Defraigne non plus. Soulignons le cas exemplaire de Laurette Onkelinx, ex-liégeoise, avec UN SEUL mandat ! C’est juré, Laurette, je ne dirai plus jamais du mal de vous.
Il faut souligner l’extrême modestie de Michel Daerden qui n’a qu’un seul mandat rémunéré lui aussi, à côté d’un paquet d’autres sans thune. Sa popularité est le résultat d’une grande disponibilité altruiste.
Parmi les gros poissons de « par ici la bonne soupe », Daniel Bacquelaine le sémillant et docte bourgmestre MR de Chaudfontaine, pétille à 27 mandats, dont 9 rémunérés probablement dans les grandes largeurs. Son confrère libéral Labalue Philippe a de quoi faire aussi. Les administrés de ces dévoués peuvent être fiers de leur capacité de récupération, car ils ne doivent pas dormir souvent, pour rester au top. Une autre MR, Nicole Arnoul, simple conseillère communale liégeoise, s’en tire avec 20 mandats dont 5 rémunérés. Le champion du genre à Liège est un cointeux, Hamal olivier, avocat et député permanent MR qui avec 59 mandats dont 6 rémunérés, sue sang et eau pour défendre en plus la veuve et l’orphelin en sa qualité d’avocat.
Dans les pointures, Borsus Willy, de la modeste commune de Somme-Leuze, mine de rien, culmine à 39 mandats, dont 14 rémunérés.
Elio Di Rupo, n’a que 28 mandats dont seulement 5 rémunérés. Cependant, cette modestie n’a aucune signification, quand on sait qu’il est député bourgmestre de Mons, président du PS et fourré chez Dexia comme administrateur.
Qu’on se rassure. Il saura remplir sa cuve de mazout l’hiver prochain sans puiser dans ses réserves.
A Bruxelles l’ancien speaker de radio, Georges Désir, a bien fait de changer de métier, avec 30 mandats dont 12 rémunérés, il peut voir venir.

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Finalement Herman de Croo a raison. Le voyeurisme médiatique fait mal à celui qui dans la misère compare ses revenus avec ces gens-là, ni plus malins, ni plus patriotes, ni plus compétents, ni plus convaincus que d’autres citoyens plus modestes. Quand ils nous disent qu’ils rendent service à la population, on peut croire que c’est pour le moins réciproque.
Ce déballage des mandats montre qu’il existe un rapport étroit entre la position dominante dans un parti et l’accumulation des mandats, dont certains très profitables.
Le philosophe Max Stirner (1806-1856) avait déjà prévu dans « L’unique et sa propriété » (1845) la dérive actuelle du système abusivement appelé démocratique : « L’Etat me floue qui me rend esclave de moi-même en me faisant calquer ma volonté particulière sur la volonté générale ». Dans le fond, les seuls vrais anarchistes à la Stirner sont nos multimandatés politiques qui ont compris qu’il fallait « agir de façon immorale pour agir de façon personnelle ».
Herman De Croo est sceptique sur l’avenir de la Loi, déjà amendée pour éviter d’y voir les grands mandataires des entreprises publiques. Nous aussi.
Quant aux réfractaires qui n’ont pas rempli les formulaires, la justice pourrait les poursuivre. On a vu la mascarade avec la Loi de compétence universelle pour n’attendre rien d’une bataille de procédure entre illusionnistes de lapins blancs et chapeaux claques.
Les grands discours qu’ils nous tiennent sur le civisme et la morale publique sont en réalité les petites friandises qu’ils s’offrent entre eux, pour mieux nous roter dans la gueule.
Nous, en fait de mandat, c’est quand on l’a au cul. On gagne le dépôt et ça peut rapporter dix ans pour le vol d’un peigne, et jamais des thunes.

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