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BIZZZZZZZZ

-Tu vas te mettre en frais ?
-En frais ?
-Oui, tu vas l’attendre, ses fleurs préférées à la main ?
-Non. Il n’y aura pas de comité d’accueil. Je l’attends symboliquement.
-Comme une image subliminale ?
-Sublime, veux-tu dire ?
-Subliminale, c’est-à-dire fugace, quasiment irréelle… tant ta rétine a très peu de temps pour la fixer…
-C’est ça. Il y a même des moments que je me demande si elle existe ?
-Elle pourrait très bien exister sans qu’elle existe.
-Comment cela ?
-Oui, tu crois que c’est elle parce que tu la crées dans ton imaginaire.
-Elle est pourtant réelle, mais peu présente.
-C’est dû à quoi ?
-Une espèce d’accident de parcours. Elle a dû prendre à droite un jour que je prenais à gauche, si bien qu’on tourne autour du pot.
-Non, si tu tournais avec elle autour du pot, il faudrait que vous tourniez dans le même sens, à la même vitesse, et chacun à un bout d’une ligne qui passerait par le centre du pot.
-Bref, nous nous voyons si peu, que lorsque nous nous voyons, nous avons besoin d’un signe de reconnaissance. Heureusement qu’il y a le portable. L’autre jour, nous étions sur les trottoirs opposés du boulevard. Pour peu que j’aie eu l’intention d’aller vers elle, nous nous serions croisés sans nous voir.
-C’est angoissant une situation pareille !
-Et ce n’est pas tout. Nous sommes nés le même siècle, mais dans une moitié différente, elle dans la seconde, moi dans la première.
-Si chacun avait eu son siècle, vous ne vous seriez pas rencontrés non plus.
-Par exemple.
-Et vous vous aimez ?
-Ce n’est pas ainsi que ça marche. Quand je dis que je l’aime, elle me dit qu’elle ne m’aime pas.
-Et elle, te dit-elle qu’elle t’aime ?
-Non. jamais…
-Là aussi, vous auriez difficile de vous rencontrer. Vous auriez eu une chance, si l’un avait aimé l’autre, et l’autre aimé l’un, mais alternativement.
-Oui. Parce qu’alternativement, il existe un moment où l’on s’aime tous les deux en même temps
-D’accord, mais c’est comme l’image subliminale, il faut saisir cette conjoncture favorable au bond.

granzavion.jpg

-Que vas-tu faire ?
- Là, tout de suite ?
-Oui.
-Elle refait sa valise. Je ne peux pas la refaire à sa place. Elle va reprendre l’avion. Je ne suis pas du vol. Elle va rentrer chez elle et moi je suis chez moi.
-Des histoires comme la tienne, ça arrive tous les jours ;
-Ah ! bon ?
-Oui, si tu comptes le nombre de femmes qui te plairaient et que tu ne connais pas, c’est fou…
-Parfait. Mais moi, celle dont je te parle, je la connais. J’ai même parfois des petites conversations. Je lui prends la main, qu’elle ne me refuse pas…
-C’est Tout ?
-C’est déjà beaucoup. Essaie, pour voir, de prendre la main d’une femme au hasard…
-Toi, ce n’est pas au hasard… Tu sais qu’elle prend l’avion après avoir fait sa valise pour rentrer chez elle. C’est beaucoup !...
-Tu connais des femmes qui en voyage d’agrément ne font pas leur valise pour revenir chez elles par avion ?
-A la fin, me diras-tu pourquoi tu m’as entraîné dans une conversation dont je ne comprends strictement rien ?
-Et la subtilité, quand fais-tu ? Dans les circonstances présentes, compte tenu de la force du vent et les vols de nuit sur Zaventem, en sachant qu’il convient d’employer des mots couverts afin de paraître étrangers l’un à l’autre, toute notre conversation n’avait qu’un but, celui d’exprimer devant tout le monde, ce qu’on ne souhaite dire qu’à une seule.
-Tu y es arrivé ?
-Oui.
-C’est quoi ?
-L’amour ne doit pas viser la réciprocité immédiate. Il reste toujours une dissymétrie en amour.
-Pour la dissymétrie, on peut le dire, t’es le roi Richard…

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