On nest jamais trop prudent.
-Toujours avec Juliette ?
-Cest qui, Juliette ?
-Enfin avec Mariette ?
-Cest qui Mariette ?
-Mais, tu le fais exprès ? Quelque chose en « ette » ?
-Ah ! tu veux parler de Marinette…
-Oui, cest ça !...
-Cest qui Marinette ?
-Va te faire foutre !... Ce que jen dis, cest par amitié pour toi.
-Alors, si cest par amitié pour moi, motus et bouche cousue.
-Silence total ?
-Total !
-Pourquoi ?
-Mon vieux, des enjeux sont importants. Lêtre est et le non-être nest pas.
-Ce qui veut dire ?
-Cest une question dhonneur, tu ne comprendrais pas.
-Je te remercie. Je savais que lamour est une maladie honteuse, mais à ce point là !
-Je voulais dire que le non-être est ce quil y a de mieux dans certains cas où il vaut mieux de nêtre pas, que dêtre.
-Jai compris. Tu es en délicatesse avec un jaloux.
-Je ne répondrai pas.
-Cest pas tout, mais je te rappelle que ce soir cest notre partie de carte aux « Bons amis ».
-A quelle heure ?
-Comment ça à quelle heure ! Tu sais bien que ça commence à six heures et quà huit heures, on se tire, Raymond prend son service chez « Rodolphe kwick ».
-Je ne peux pas. Jattends de communiquer à 6 h 12.
-Alors là, cest la meilleure, 6 h 12 !... pourquoi pas à 8 H 47 ?
-Cest ainsi.
-Tu ne peux pas différer ou avancer ?
-Impossible, cest lheure du coucher du soleil.
-Tu communiques avec le ciel ?
-Non, mais la lumière rasante porte mieux les signaux !
-Ah ! les signaux de fumée !... voilà pourquoi ce feu de broussaille dans le fond du jardin…
-Voilà. Tu as tout compris. Je jette une couverture humide sur le feu et je la retire. Je corresponds en morse. Cest plus sûr. La fumée senvole et les écrits restent.
-Alors si je comprends bien, on va bridger à trois parce que notre partenaire joue au Sioux avec une dame ?
-Merci !... On nest pas plus discret. Si jétais toi, jouvrirais la porte pour gueuler la bonne nouvelle !... Déjà que jai une voisine qui note les heures au cours desquelles jentre et je sors…
-Ah ! tes dans le quartier aux cancans, toi…
-Et tu ne sais pas tout…
-Quoi encore ?
-La sœur de Juliette...
-Tiens, ce nest plus Marinette ?
-Si tu veux que je poursuive, ne minterromps pas. Ce nest ni Juliette, ni Mariette, ni Marinette, si tu veux ne pas le savoir…
-Va pour Juliette alors…
-La sœur de Juliette à un petit ami qui est le demi-frère du neveu de loncle de la femme frémissante…
-La femme frémissante ?
-Oui. Jappelle ainsi ma voisine de la maison jaune. Parce que chaque fois que je passe sur son trottoir, son rideau frémi. On sent quelle est derrière.
-Je ne vois pas le rapport !
-Moi bien. Et ça suffit comme ça…
-Tant pis. On fera sans toi. On jouera avec un mort.
-Ecoute, il ny en a plus pour longtemps. Avec les jours qui raccourcissent, fin du mois prochain, le soleil couchant sera à 16 h 37, il me restera plus de quarante minutes pour rejoindre les « Bons amis »…
-Bien le bonjour pour moi à Paulette. A propos, jy pense, ma femme sappelle Georgette…
-Il ny a pas lombre dun rapport…
-Et puis discret comme tu es, saurait-elle seulement que tu laimes ?