Des funkies effervescents.
De nos jours, tout le monde fait la gueule. On ne sait pas au juste pourquoi… si moi je le sais. On fait la gueule parce qu’on aime avoir beaucoup de fric, travailler ne suffit pas et on est obligé de travailler quand même, alors que ça ne sert à rien pour avoir du fric, d’où une frustration.
Je pensais à cela, quand, par inadvertance, j’ai mis une pastille effervescente de vitamine C en bouche au lieu d’un comprimé Steovit à sucer.
Qu’il y ait eu effectivement des périodes historiques plus effervescentes que la nôtre, j’ai su brusquement ce que cela avait eu comme effet…
La morosité est quelque chose de palpable. L’autre jour, je palpais une morosité dans un ascenseur, vos me croirez si vous voulez, j’ai dû descendre deux étages à pied. Tandis qu’une effervescente, c’est autre chose... Vous l’avez en bouche, c’est trop tard, la pastille est coincée. Elle se donne. Elle fond.
Toute la presse, générale ou spécialisée, se fait l'écho de cette présence persistante de la morosité. Moins elle a de lecteurs, plus elle est morose. Après les vastitudes du boulevard de la Sauvenière, faut voir dans quoi on vous reçoit au Journal La Meuse : quasiment dans les WC qui sont la porte à côté du bureau place Cathédrale. L'horizon, c’est comme leur chasse d’eau, une ligne imaginaire qui s'éloigne à mesure que l'on s'en approche.
C’est la crise, quoique Tounet veuille dire…
La morosité est perceptible : elle est molle, grise, désolante et rampante… comme une bite de cancrelat.
Heureusement, il y a l’effervescence !
C’est comme la tumescence, elle peut durer un temps. Puis, on ne sait trop pourquoi, elle retombe aussi sec. Alors, on redevient morose, on pense au fric et c’est foutu.
A ce point, la question se pose : qu'est-ce que l'effervescence ?
L'effervescence est une notion sociologique, donc "savante" et appartient, à la fois, au langage courant et au sens commun, au même titre que la morosité… enfin c’est Emile Durkheim, spécialiste de la question, qui l’affirme. Emile est l’auteur des « Formes élémentaires de la vie religieuse ». Sans être allé y voir à l’abbaye de Thélème ou au couvent vénitien de MM, l’effervescente créature des nuits du cardinal de Bernis et de Casanova, Emile connaît la chanson. « Au sein d'une assemblée qu'échauffe une passion commune, nous devenons susceptibles de sentiments et d'actes dont nous sommes incapables quand nous sommes réduits à nos seules forces. » comme on peut le voir, Emile est pour l’orgie romaine.
Je ne suis pas contre. Mais l’effervescence à ce prix, n’est-ce pas trop cher payé le regain de nos faibles forces ? Car, nous prévient l’anachorète : « …quand l'assemblée est dissoute, seul avec nous-même, nous retombons à notre niveau ordinaire, nous pouvons mesurer alors toute la hauteur dont nous avions été soulevés au-dessus de nous-même ».
A vrai dire, je suis pas exhibitionnisme. Et je ne saurais dire de combien elle se soulève sous les regards d’une collectivité enthousiaste ?
Enfin, deux ou trois centimètres de boni, par ces temps de grande misère, c’est appréciable.
Le bon samaritain s’exalte. Pour lui, c’est clair, l'effervescence, c'est chaud !
« On retrouve cette idée dans le terme de "bouillonnement" qui est souvent utilisé dans le langage familier pour décrire l'effervescence. Au sens propre, physiologique, c'est la chaleur humaine, chacun a déjà pu remarquer qu'une assemblée dégage plus de chaleur sitôt qu'elle est festive bien sûr, ou même simplement concentrée. Ce qui fait parfois dire à celui qui pénètre dans la salle venant de se vider : « ça sent le fauve », ou, s'il ne dit rien, son premier réflexe sera d'aller ouvrir la fenêtre. »
Que le diable m’emporte, mais le texte entre guillemets, toujours de notre plaideur contre la morosité, on dirait du Richard III ! A tel point que je n’en ai retranché aucun mot. Seul un regret pour les derniers gestes, tant qu’à faire plutôt que d’ouvrir la fenêtre, Richard eût ouvert sa braguette, question d’aérer plus efficacement.
Après, le bon Père s’enlise trop dans les « rave » en écoutant Sex Machine de James Brown, pour que ses instants d’effervescence de la Soul, du Fun et du hip-hop aient encore un aspect chrétien. Pour lui, la funk est le sommet de l’effervescence, de fièvre pour caractériser les chaudes ambiances festives, fièvre qui fait suer à grosses gouttes.
« l'm stupid deep inside because l'm loose » comme a pu le faire Iggy Pop, tonne Emile Durkheim. « Free your mind and your ass will follow », « libère ton esprit et ton cul suivra » comme le dit, jamais à cours d'aphorismes et de slogans, George Clinton, le fondateur de deux groupes majeurs de la musique funk, Parliament et Funkadelic. L'abandon est une attitude, une posture intellectuelle. C'est une disposition d'esprit pour être sensible au traitement.
Si ça continue, je me convertis, je deviens catho. Avec cette « machine à faire du Groove ! »,
Gilbert Durand, « Les structures anthropologiques de l'imaginaire », nous délivre quelques clés pour faire le lien entre les grands traits de la Funk et les phénomènes d'effervescence.
« If you will suck my soul, I will lick your funky emotions » (Je laisse cette réflexion pour les délices d’une de mes lectrices attentives qui voudrait être plus souvent hot in the biscuit)
Le Funk est une manière de mettre l'âme en feu, et accessoirement le derrière.
nous l'aurons bien compris et l’effervescence, une manière de montrer comme la religion évolue dans le sens de l’horizontal.
Vivre couché dans une collectivité amoureuse ?
Qui dit qu’on s’emmerde dans les communautés religieuses ?