Gémellité
Il ne peut y avoir de lassitude dans le discours de ceux qui dénoncent un système qui laisse sur le carreau les chômeurs et certaines autres catégories sociales sans statut.
Aussi est-ce délibérément que je reprends un thème qui ne sera clos que le jour où le sentiment d’une meilleure justice prévaudra pour diminuer l’inégalité entre les membres de notre société.
On n’en est pas là.
Cela fait trop longtemps que les politiques ont baissé les bras devant la fatalité libérale. Nos décideurs réagissent sans même percevoir qu’ils peuvent agir autrement.
Pourquoi les électeurs se disent-ils « écoeurés » des discours des avocats de notre partitocraties ? Parce que l’Etat politique est entré dans un processus d’impuissance et d’irresponsabilité vérifiable par des budgets centrés sur des équilibres où le malheur d’être pauvre dans un pays riche n’est pas repris en compte.
Tous les efforts entrepris jusqu’à présent l’ont été dans des mesures financières à seule fin de rendre supportable un chômage massif et une lente paupérisation des petits métiers mal rétribués.
L’Etat distribue au petit bonheur la chance une partie des revenus du travail dans une sorte de saupoudrage à seule fin de ne pas pousser à bout la partie la plus pauvre du corps social. S’il n’en était pas ainsi, il y a longtemps que son incurie eût provoqué des émeutes et que le sang aurait coulé dans les faubourgs de Liège, Seraing ou Charleroi.
Le rang subalterne que les citoyens occupent dans la nouvelle hiérarchie s’est produit quand les idéologies fascistes et quelques 25 ans plus tard communistes se sont effondrées. Nous nous sommes crus sans ennemi et voués au progrès constant.
Nous vivons aujourd’hui sans projet et sans idéal, si l’on considère comme nul celui de gagner de l’argent en procurant un travail aux autres, dominé par le seul souci du rentable, du productif et de la performance.
L’Europe nous a anesthésié en s’en remettant à elle, comme tous les autres pays de l’Union. Si bien que nous nous trouvons sans moyen devant une action molle. Nous croyions qu’un lien de plus en plus étroit avec les autres pays dégagerait une dynamique que nous attendons toujours et qui n’arrivera sans doute jamais.
La seule réponse que nous espérions de cette union de plus en resserrée, était une réponse européenne à une mondialisation aux effets pervers. Elle ne se produira pas, tellement les avis sont différents d’un pays à l’autre, jusqu’aux absolutistes tels que l’Angleterre et la Pologne qui ont fait leur credo d’une mondialisation à l‘américaine.
Cet alignement sur un pays ami, mais néanmoins étranger à l’Europe, est le signe que l’évolution des Etats européens n’est pas harmonieuse, manipulée par une logique libérale qui veut la baisse constante des coûts du travail.
En Belgique, dans la confusion des partis occupés à se faire une clientèle au centre, il peut sembler étrange qu’il n’y ait plus une politique de droite et une politique de gauche. Didier Reynders pourrait permuter avec Di Rupo qu’aucune différence ne serait perceptible.
Voilà qui dit tout.
Il est vrai que cette stabilité, cette uniformité des partis se comprend par l’aspect tout particulier des revenus des états-majors. En effet, tout compte fait, un député socialiste percevant les mêmes émoluments qu’un député libéral, ces messieurs et dames ont à peu près le même train de vie, éprouvent à peu près les mêmes frustrations et les mêmes désirs. Cela leur donne le sentiment d’appartenir à la même classe sociale. Voyant dès lors de la même manière, ils ne perçoivent plus les besoins de ceux qu’ils devraient en principe défendre et qui ne sont pas de leur milieu.
Mais tout cela est bien fragile.
Il est possible que l’accélération du processus de désintégration fasse que la moyenne du chômage atteigne des cimes encore inexplorées. Encore faudrait-il pouvoir établir qu’au-delà de certains taux : 30, 40 % de chômeurs, la société s’effondrerait dans des pogroms, que les jeunes sans emploi et les pensionnés sans pension alimenteraient dans une guérilla. Les politiques tenteraient de maîtriser « la chienlit » en appelant à eux la police et l’armée ?
Il s’est déjà vu par le passé que les socialistes désavouent les grèves et les aventures tentant à renverser un Etat dépravé. Nul doute que si une chose pareille survenait, il serait aux côtés des autres partis à défendre leurs acquis contre la population tombée sous le seuil de pauvreté.
Alors la permutation d’Elio et de Didier ? Pas si farfelu qu’il n’y paraît.