La belge attitude…
Par les temps qui courent, dans un pays aussi peu raciste que la Belgique, il n’est quand même pas bon d’être un basané à la recherche d’un emploi. Les patrons ne le disent pas clairement, puisque c’est interdit, mis le délit de sale gueule, justement, ça existe.
A la sauce Ducarme, on va vers une norme standard de l’individu bon Belge, comme il y a des critères bleu-blanc pour notre bétail de concours.
Le bon Belge à la quarantaine, ce qui exclut les vieux et les jeunes. Il est employé de bureau, donc est toujours propre sur lui. Il ne suit plus la messe du dimanche matin, mais a pleuré à la mort de Jean-Paul II. Il aura fini de payer sa maison dans une quinzaine d’années : trompe sa femme modérément et sans que cela se sache et perturbe la vie des enfants qui entreront bientôt à l’université faire des études qu’il n’a pas faites, parce ses parents n’avaient pas les moyens. Il se sent démocrate et joue au Loto dans l’espoir d’être un vrai libéral mondialiste, partisan de la libre entreprise. Du reste, il attache le mot libre et tous ses dérivés à ce qui touche au pays, à la dynastie, aux partis et à l’entreprise. Il suit les informations de RTL et préfère les films de la RTBf. Il est royaliste parce que la royauté, finalement, ça coûte moins cher. Il n’aime pas trop en parler, mais Place Royale de RTL est une émission qui l’émeut beaucoup. Il connaît les noms de tous les petits enfants du roi Albert.
Il a voté autrefois PS, mais il considère que ce parti n’est plus assez ferme à la conduite des affaires, surtout à l’égard des syndicats, aussi vote-t-il désormais pour le MR don il trouve Didier Reynders moins représentatif que Louis Michel. Il n’aime pas Joëlle Milquet tant il estime qu’une femme ne devrait pas s’occuper de politique.
La dernière fois qu’il a lu un livre, c’est le Harry Potter que son fils avait oublié dans les toilettes, c’était il y a quatre ans.
Il se vante d’avoir accepté que la mère de sa femme n’aille pas dans un home, mais il n’y perd pas, puisqu’elle a une « grosse » pension. Il en aurait fait de même avec sa mère si celle-ci n’était pas morte, parce que le séjour en home coûte horriblement cher et qu’elle n’avait qu’une petite pension. Il trouve que le CPAS de sa commune n’est pas « humain » en faisant payer les « jeunes » pour les vieux.
L’histoire n’est pas son fort et pourtant il a lu jadis « Mein Kampf » « pour connaître la vérité sur Adolf Hitler ». Son opinion s’est faite depuis la chute du mur de Berlin. Le Reich était une monstruosité, comme le système communiste, mais au contraire de ce dernier, Hitler a fait quelques bonnes choses à commencer par remettre les chômeurs au travail.
Ce n’est pas avec lui qu’on voyait les fainéants courir les rues.
Quant à la peinture, il trouve que tout le monde peut faire du Picasso, par contre l’Angelus de Milet, c’est du grand art.
Dans son entreprise, il appelle tous les coursiers « Mohammed » et tous les ouvriers d’atelier « Ali ». Ce n’est pas par racisme, mais c’est plus facile comme ça. Il se dit certain que peu d’immigrés veulent travailler. « Ils viennent chez nous pour nous décauser et expédier les Allocations familiales à leurs six femmes au Maroc. Ceux qui travaillent « c’est parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement ».
Il se réjouit d’être vieux et de sortir de la vie professionnelle avant 65 ans, « à condition qu’il n’y perde pas trop ». Jadis, il pensait que les prépensionnés étaient des chômeurs de luxe, donc des parasites. Aujourd’hui qu’il pourrait l’être, il pense que ce n’est pas trop tôt de faire quelque chose pour ceux qui ont travaillé toute leur vie sans se plaindre.
Ce n’est pas lui qui se lamentera qu’il n’a plus rien à faire et qu’il s’ennuie, mais il commence à s’inquiéter de n’avoir aucun hobby. A tout hasard, il a acheté des pièces en plastique dans une grande boîte pour monter chez soi la maquette du Normandie, bateau que les Américains ont brûlé dans le port de New York, « parce qu’ils étaient jaloux de cette réussite européenne, la seule d’ailleurs… ».
Il réagit toujours avec « l’esprit civique » aux événements qui secouent la Belgique. A l’affaire Dutroux, il a défendu le gendarme Michaux et les juges d’Instruction « qui ont fait ce qu’ils ont pu dans des conditions difficiles. » Il n’est pas violent, mais il étranglerait de sa main tous les accusés et leurs avocats de cette affaire..
Tous les 21 juillet, il se reproche de ne pas arborer le drapeau national, mais il a toujours reculé devant le prix « exorbitant » pour un emblème qui se voit de loin. La vraie raison, c’est qu’il a peur que ce drapeau ne désigne sa maison au vandalisme.
Il se rappelle avoir vu un soir des taggers bomber la porte de son voisin. Il a éprouvé une joie secrète que ce n’était pas à la sienne qu’on s’en prenait, mais il a témoigné sur demande d’un inspecteur au Commissariat sur ces faits de violence. Il a exigé le plus strict anonymat de peur des représailles, puis, il s’est mis à dépeindre avec forces détails, un individu qu’il a à peine aperçu, puisant dans sa mémoire les caractéristiques d’un « Ali » de son entreprise, en se disant « qu’ils se ressemblent tous. »
L’autre XV août en Outremeuse, il a pu entendre avec satisfaction que les vieux qui parlent encore Wallon étaient très près de penser comme lui sur les étrangers, mais sans l’oser pouvoir dire en Français, de peur d’être entendu par un « jeune qui irait le dire à d’autres comme lui ».
Il remplacera sa voiture l’année prochaine. Il souhaite acheter du belge. Il prendra quand même une Toyota parce que le concessionnaire habite au coin de sa rue.