La laïcité négligée.
Le vendredi 9 décembre, la loi française sur la laïcité (séparation de l'Eglise et de l'Etat) a eu cent ans. En Belgique aussi, cela a été l'occasion d’un bilan, en somme très positif, qui a permis la cohabitation des croyances dans la paix et le respect mutuel. Mais les dispositions prévues dans cette loi seront-elles suffisantes pour endiguer les intégrismes ? C’est évidemment du côté des intégristes conquérants que l’on a quelques inquiétudes puisque pour certains croyants ne pas adhérer à leur foi équivaut à une condamnation.
La polémique en France autour de la proposition de Nicolas Sarkosy de construire des mosquées est en soi une remise en question de la loi de 1905. Pourquoi cette loi qui a fait ses preuves devrait-elle être contournée ou aménagée ? L’Etat, en France comme en Belgique n’a pas à construire quelque église que ce soit avec l’argent des citoyens.
La laïcité dans l'Hexagone n'est pas belge. Mais, sans doute aurons-nous à prendre parti, un jour ou l’autre, sur ce problème de financement d’un lieu du culte.
C’est que parfois s’autoproclamer laïques n’est pas suffisant, encore faut-il le proclamer avec force et exiger que ce droit soit respecté. Quand on voit avec quel mépris dans certains pays comme l’Iran la façon dont sont traités « les infidèles », on peu redouter que leurs ressortissants en séjour chez nous en viennent à contrevenir ouvertement à notre laïcité.
Ce centenaire aurait dû faire l’objet de manifestations plus importantes. Les organisateurs de cette commémoration ont été trop timides. On aurait aimé qu’ils aillent plus loin que ces quelques discours solennels de bonne intention, et profiter de l'anniversaire pour envisager l’avenir de la laïcité au cours du nouveau siècle. Les avocats qui pullulent dans nos partis et partent sur leurs grands chevaux pour beaucoup moins, auraient dû bomber le torse et tonner dans les hémicycles, comme les bourgmestres laïques que l’on n’a guère entendu, au moment où les intégristes et les fondamentalistes nous servent la soupe à la grimace tant et plus.
Au Sénat français, une «déclaration universelle sur la laïcité au XXIe siècle» a fait l’objet d’une lecture. On aurait aimé qu’Anne-Marie Lizin en fasse autant chez nous. C'est une déclaration qui fera date. Elle remet les choses en place tout en étant une invitation au dialogue.
La laïcité doit rester «le principe fondamental des Etats de droit» et constituer «un élément clef de la vie démocratique». En n'étant «l'apanage d'aucune culture, d'aucune nation, d'aucun continent», la laïcité garantit qu'il n'y aura aucune discrimination dans «les nécessaires débats concernant les rapports du corps à la sexualité, à la maladie, à la mort» mais aussi dans ceux qui ont trait à l'égalité entre hommes et femmes et à la nécessaire liberté d'exercer ses convictions personnelles.
«La laïcité ne signifie pas l'abolition de la religion mais la liberté de choix.» Ce qui implique encore «de déconnecter le religieux des évidences sociales et de toute imposition politique». Mais «qui dit liberté de choix dit également libre possibilité d'une authenticité religieuse ou de conviction»... (Cité par la Libre Belgique)
La laïcité étant en permanence une action bien vivante : «Tout en veillant à ce que la laïcité ne prenne elle-même (...) des aspects de religion civile où elle se sacraliserait plus ou moins, l'apprentissage de ses principes inhérents peut contribuer à une culture de paix civile. Ceci exige que la laïcité ne soit pas conçue comme une idéologie anticléricale ou intangible», si elle ne peut être remise en cause dans ses principes, elle ne subsistera que par les problèmes qu’elle soulève et qu’elle résout en partie, par des discussions entre citoyens ou entre groupes.
La conclusion de la déclaration est logique, elle est « un principe fondamental du vivre-ensemble dans des contextes où la pluralité des conceptions du monde ne doit pas apparaître comme une menace mais plutôt comme une véritable richesse»...
Alors que cette question importante de la laïcité dans les Etats modernes devrait valoir des forums de débats sur la Toile, dans les Ecoles publiques et les partis politiques, elle semble passer au second plan, y compris dans les cercles mêmes où la laïcité ressort d’un consensus général, mais trop souvent tacite, pour qu’on n’y fasse plus allusion.
C’est dommage. Nous risquons ainsi en n’étant pas vigilants de la perdre au bénéfice des pires alliances intégristes ou fondamentalistes.