Mittal, or not Mittal ?
Nos experts sont en pleine coulée…
La Belgique qui n’entend rien, pas plus que les autres d’ailleurs, à l'OPA hostile lancée par Mittal Steel sur son concurrent Arcelor, va prendre de la distance quand même et ne devrait pas se prononcer sur le fond du dossier avant longtemps. C’est toujours ainsi que cela se passe quand les économistes experts, qui n’y entendent pas davantage, procèdent dans leurs cabinets douillets à l'analyse des projets, moyennant quelques solides contributions.
C’est que les projets, d’USINOR à ARCELOR on en a eu et des mirifiques qui se sont soldés par la débandade actuelle, alors, un de plus ou un de moins, Mittal Steel doit en avoir aussi et des plus mirifiques encore sous la pédale.
Ça a dû gamberger ferme lundi quand le Premier ministre Guy Verhofstadt, flanqué des ministres-présidents Elio Di Rupo, et Yves Leterme, a reçu dans la matinée le PDG d'Arcelor, Guy Dollé, puis l'après-midi, le patron de Mittal Steel, Lakshmi Mittal.
Guy Dollé : Vous avez déjà tous les projets que je vous avais soumis lors de la reprise d’USINOR.
Elio Di Rupo : Oui. Mais c’était pour présenter ensuite le projet de démantèlement des hauts-fourneaux.
Guy Dollé : Vous savez, les projets vont et viennent. Les projets auxquels nous avons renoncé, n’étaient pas si mal foutus que cela…
(Dollé aurait dû savoir que ce n’était pas le moment d’annoncer les fermetures et revoir ses plans à la baisse. C’est moche pour un PDG de ne pas avoir prévu le coup de Mittal)
L’après-midi :
Lakshmi Mittal : Nous avons revu à la hausse les plans d’USINOR, plutôt que les fermetures d’ARCELOR… Nous avons l’intention d’investir massivement dans deux ou trois nouveaux hauts-fourneaux…
Elio Di Rupo : Elle est pas mal votre chemise…
Lakshmi Mittal : C’est du vrai cachemire… je vous en enverrai douze douzaines…
Et pendant ce temps :
Nous avons demandé, tant à Arcelor qu'à Mittal, leur pleine collaboration pour pouvoir analyser leur projet industriel, papotte Guy Verhofstadt, en fin de journée, avec les économistes les plus distingués du royaume.
T’as déjà vu un mec qui ouvre son coffre-fort afin de faire voir à la concurrence ce qu’il y a dedans ?
Nos responsables vont courir les compléments d'information" et les "engagements verbaux", a poursuivi Elio Di Rupo.
C’est qu’on est attractifs, nous, avec nos bas salaires et les mesures pour aider les petits patrons comme Lakshmi Mittal, à s’en sortir…
Roger mené est déjà prêt à l’affilier aux « classes moyennes », rayon, artisanat…
Et à qui on va demander d’analyser tout ça, en plus des analyseurs de cabinets, chaque cabinet a le sien bien entendu, mais à une banque d'affaires qui sera désignée mercredi matin, pardi, en toute indépendance, bien entendu et la main sur le cœur…
C’est que « extraneous estimates » qui est le plus qualifié pour l’estimation des paramètres ? Mais la banque d’affaires, mon neveu. Une banque qui n’aurait ni de près, ni de loin, à voir avec ces métallos grossiers qui débarquent avec leurs grosses ferrailles… Nos fins ébarbeurs vont polir tout cela. Vous me direz, une banque d’affaires qui n’a rien à voir avec les deux mastodontes du fer et de l’acier, ça existe ?
Faut croire…
C’est ça l’économie. Celui qui n’y croit pas, c’est inutile. Il ne comprendra jamais rien.
Lundi, Elio Di Rupo évoquait le mois d'avril, voire le mois de mai, avant que le dossier ne soit clôturé. On ne sait plus. Peut-être même que Mittal aura changé d’avis d’ici là ou que Dollé, l’irréductible, aura vendu ses propres actions à l’Indien et que nos experts pédaleront encore un temps dans la semoule, histoire de mériter leur cacheton… tandis que déjà les panneaux à Seraing d’ARCELOR auront été remplacés par les autres.
Il ne resterait plus alors qu’à Elio a faire semblant qu’il n’a pas été mis devant le fait accompli pour nous sortir un beau discours sur l’ « entrepreneurial ability » ce fameux esprit d’entreprise qui lui a permis de doper ses propres troupes de son socialisme renouvelé (derived demand).
En clair, personne ne pourra rien si ARCELOR change de main, comme personne ne pourra empêcher les nouveaux propriétaires de se conduire selon les intérêts de leurs actionnaires à savoir la famille Mittal.
La Wallonie possède actuellement 2,3% des actions d'Arcelor. L'offre lancée par Mittal Steel valorise son concurrent à 18,6 milliards d'euros. Déjà fortement troué par Francorchamps, le bas de laine du plan Marshall se remaillerait au curry Lakshmi, le seul authentique produit capable de donner à nos métallos le goût de vivre sur le trottoir comme à Calcutta…
Par Brahmâ, il paraît qu’en Inde on est moins regardant sur la caricature que chez les Arabes.
C’est toujours ça…