« Ça sent la faillite… | Accueil | Rififi dans la bibine de comptoir. »

Pour 15 de mieux, je suce.

Une étude indique que le travailleur belge est le plus satisfait d'Europe.
Nous avons un bon caractère. Rien ne nous fâche. Le patron est plus apprécié que la compagne de vie. Personne ne se plaint de rien. Même le chômeur est heureux. Si parfois il est un peu moins gai que les autres, c’est parce que l’amour qu’il peut donner à un patron ne trouve pas preneur ; mais ce n’est pas grave. Plus il le ressent, plus il le donnera au patron qui décidera de l’engager. Le chômeur belge, c’est un travailleur en devenir. Il fourbit ses armes, prend des forces et poursuit des études afin de peaufiner ses futures performances.
Enfin, c’est l’Institut de sondage « Accor Services » qui nous le dit.
Le travailleur belge est le plus heureux de toute l’Union européenne. C’est le pompon du fleuron de l’Europe du progrès.
Le Belge est d’une fidélité exemplaire à son employeur. Que le ciel lui tombe sur la terre, qu’il apprenne que sa compagne le trompe avec tous les hommes du quartier, qu’il perde en un seul accident toute sa famille, que le monde s’embrase et devient fou, qu’on lui vole tout son pognon, le Belge n’en a rien à branler. C’est son patron qu’il aime et si son idole reste en bonne santé, s’il va à la celle régulièrement, dort bien et se fait faire des pipes sous le bureau par toutes les stagiaires délurées, c’est tant mieux. Le Belge moyen est heureux par procuration. Puisque son idole baigne dans le bonheur, le belge moyen est heureux aussi.
Le Travailleur belge est sédentaire. Il aime tellement son patron qu’il ne lui viendrait pas à l’idée de le quitter. Quand par malheur son dieu se sépare de lui, il pense tout de suite que le patron pourrait le regretter et être malheureux. Il ne lui envoie une lettre d’injure que pour le rassurer qu’il a bien fait de se passer de ses services.
Cette fidélité à toute épreuve est parmi les plus sûres qui soient. Bien des années plus tard, prépensionné, ou pensionné, quand un ancien retrouve un confrère, de quoi se parlent-ils ? Mais des progrès de leur entreprise et du regret de ne plus être actifs. Ils avouent des larmes aux yeux qu’ils envoient régulièrement des cartes de bons vœux chaque année, même aux successeurs quand le patron est mort depuis 25 ans.
Le chômeur reporte son amour du patron sur les employé(e)s du FOREm, maintenant qu’on ne va plus pointer.
Moi qui vous parle et qui ne suis pourtant pas chômeur, j’allie mon amour des patrons avec celui d’une employée du FOREm, même si celle-ci est en congé maladie. Nous nous disons tout et j’envisage d’en faire mon employeur à domicile. Elle hésite encore un peu attendu qu’elle fait partie de cette frange minime d’opposants aux amours ancillaires et patronaux.
La relation entre employeurs et employés est quasiment amoureuse. Guy Dollé et Lakshmi Mittal ne tarissent pas d’éloges des travailleurs belges. On sent que ses pères fondateurs sont nos paternalistes préférés. Certes Guy Dollé est Français. On sait qu’ils ont la réputation d’être de bons amants ; mais l’autre à des yeux de velours et doit connaître la kamasoutra d’entreprise.

ambiant.jpg

Nos relations sont donc au beau fixe de Roger Mené à Paul Frères, en passant par Etienne Davignon et même Mordant, patron de la FGTB. Ce n’est pas que ce monde soit extraordinaire, non, le Belge au travail n’est pas fétichiste, quant à l’amour qu’il porte aux autres patrons que le sien ; Il sait que ceux-ci se lèvent parfois de mauvaise humeur, qu’ils se grattent les couilles et salopent les WC comme tous bons Belges, il sait tout cela, mais ce qui les sacralise, les place au-dessus du lot, c’est le titre : PATRON. C’est le plus beau du monde, pour le Belge qui espère un jour tirer de plantureux bénéfices en travaillant dur à la sueur du front des autres libéraux. Son plaisir le plus intense, c'est d’alimenter les fonds de pension américains.
Il s’exalte à la pensée d’être patron, lui aussi. Il sait que l’autre Dieu, dans sa petite boîte des églises, ne réussirait pas sans les vrais dieux. Les médias ne s’y trompent pas qui n’ont pas assez de mots pour honorer les patrons, les chefs, les grands administrateurs qui font de la Belgique le pays le plus estimé au monde.
Ici, l’Autorité est restaurée dans toute sa puissance classique : entendre, c’est obéir ! Nous avons besoin de guides. Ils nous disent : vote à droite, nous votons à droite ; puis : vote à gauche (pour nous tester)… et nous votons toujours à droite. C’est merveilleux.
Juste récompense, les avantages accordés par les employeurs sont nombreux et variés. Les plus évidents sont évidemment les heures supplémentaires, en noir dans les moyennes entreprises, déclarées dans les grandes et non payées dans les petites. Mais, c’est dans ces dernières que le travailleur est le plus convaincu de la chance qu’il a de voir son patron tous les jours et cela est un avantage considérable.
Bref, avec un taux de chômage élevé, une disparité de salaire énorme entre le PDG et le manœuvre léger, le Belge espère attirer tous les patrons déçus par les populations laborieuses jamais contente de la Chine, de l’Inde ou du Brésil.
Venez chez nous. Nos femmes sont belles, faciles et accueillantes. Les hommes pour un patron sont tous bisexuels. Les politiques sont accommodants et fort soucieux des désirs patronaux. Nos salaires sont ridiculement bas, nous adorons le système capitaliste qui nous nourrit et nous serions prêts à mourir pour la mondialisation de l’économie que nous appelons de tous nos vœux.
Encore un mot, le Travailleur moyen belge et pas seulement qu’à la FN de Herstal aime les armes anti-personnel et se dit prêt à faire des heures supplémentaires pour que l’Afrique soit armée jusqu’aux dents.
Enfin, je vais lancer une pétition sur Internet afin d’abroger le protocole de Kyoto qui est une entrave à la libre entreprise et la liberté tout court.
Je signale que je suis libre d’employeur et qu’il me plairait de renouer des relations étroites avec un patron. Seul inconvénient, je suis très cher. Mais vu la hauteur de mes principes et le socle de mes convictions, j’espère retrouver très vite le bonheur d’en aimer un.
Bon à tout par amour je suis très souple et d’humeur égale. Je ne prends que 10 % supplémentaires pour les pénétrations anales et 15 % non préservées. Ce n’est pas que je manque de confiance, mais on a vu des patrons abusés et par les temps qui courent.

Poster un commentaire