Rififi dans la bibine de comptoir.
Ah ! que c’est chouette l’entreprise belge à la sauce mondiale. On fait un produit local qui se vend bien et qui fait la réputation du coin. Ça va tellement fort qu’un plus gros, avec la même bibine, mais à Louvain, bouffe le petit. Enfin pour faire plus fort encore et se pointer au mondial, ce gros de gros se lie à un fabricant sud-américain pour devenir supergros sous le vocable d’INBEV.
Moralité, voilà le bourgmestre de Liège bien embêté à quelques mois des élections communales, lui qui est originaire de Jupille puisque ce dont on parle c’est de la Jupiler, bue par Stella et diluée dans les méandres internationaux.
La Jupiler n’est plus qu’une source de revenu de nature à refroidir ou réjouir des actionnaires cosmopolites et anonymes qui exigent des résultats dégagés des frais d’exploitation à deux chiffres de bénef.
Eh bien ! si on ne fait plus de Bêtises à Cambrai, des dentelles à Bruges et des saucisses à Francfort, on ne fera plus de la « Jup » à Jupille mais en Hongrie avec l’eau de la Moldau ou à Sao-Paulo avec l’eau des marigots… pour ce que les patrons en ont à foutre.
Ce ne sera pas l’avis de Willy Demeyer, mais que pourrait-il faire ?
C’est que le lieu historique de départ ne compte plus pour grand-chose et les travailleurs qui y besognent pour moins que rien. La comptabilité de la chose brassée se fera en Hongrie et en république tchèque et les services informatiques seront sous traités par des services informatiques d’IBM situés à Mérin qui comme chacun sait est au-dessus de mon cul.
Si 200 quilles du bowling mondial doivent tomber en Belgique, le « strang » aura lieu dans le fief d’origine du bourgmestre où 115 laborieux doivent cesser d’aimer leur patron et du même coup Demeyer, c’est injuste, mais c’est comme ça.
Car enfin, en s’alliant avec les curés de la mondialisation Di Rupo n’ignore pas que si cette collaboration avec les libéraux est fructueuse en voix immédiates rapport aux moutons centristes que les Belges moyens sont devenus, à plus longue échéance, c’est purement et simplement le parti socialiste qui lui aussi sera dilué à l’eau de la bibine centriste.
En tous cas, voilà le bourgmestre bien embêté.
Et ce n’est pas tout. Les Belgo-Brésiliens en sont à leur troisième restructuration sur quelques mois et il n’est pas dit que Jupille dans le collimateur, la direction cosmopolite ne va pas abandonner la terre de Charlemagne définitivement.
On savait qu’il fallait être un sacré expert chez nos « Grands gousiers » pour sentir par la qualité de l’eau d’où la bière était originaire. Dorénavant, elle sortira d’un seul et même égout, voilà qui satisfera tout le monde. Ce sera comme pour le chocolat, la confiture, le corned-beef, les postes de télévision : une seule usine, un seul fabricant, que la publicité se démerde pour nous faire croire le contraire et que nos économistes jurent que la libre concurrence joue à plein pour nos palais délicats.
Quand les troupes de Philippot et les concurrents de RTL se mettent d’accord pour célébrer le ratissage mondialisé de la sueur convertie en coupons, quand les journaux subliment les moindres gestes de l’Haut-lieu, quand les partis se disent libéraux de gauche et centristes convaincus, il ne faut pas s’étonner que sur le zinc on ne boive plus que le jus nauséeux de nos renoncements et de nos lâchetés.
C’est la bière qui fout le camp, ce sont les supporters qui se font baiser au ticket d’entrée pour les matches truqués, c’est tout un folklore qui bascule dans l’uniformisation d’une vie, d’un produit, d’une action standard. Tchantchès change son cramignon en samba brésilienne et apprendra le portugais d’ici le 15 août 2006. Il peut s’y mettre.
Presque une crise ouverte au premier mai. Qu’est-ce que le pauvre Willy va bien pouvoir servir à la cantonade ?
Certes, on a vu de plus grands lessivages dans la région liégeoise. Si le Dollé n’avait pas Mittal Steel au cul, on aurait vu à Seraing s’accélérer le processus de dégazage. Sur les zonings périphériques les mini drames qui font se décrocher deux ou trois travailleurs plic-ploc n’intéressent plus que la veuve et l’orphelin disséminés dans quelques chaumières de Saint-nicolas, d’Ans ou de Vottem… drames anonymes, ce dont se foutent bien nos édiles… mais une firme, une marque de bière connue de Kinshasa à Houte-si-ploût, vous imaginez le scandale ?
A quand le péquet mis en bouteille à Ouagadougou et produit à Canton pour une firme de Bombay ?
Je me demande parfois si dans les plans de la grande Allemagne du fou, quand notre destin était d’aller dégueuler notre connerie dans les plaines de l’Oural, il n’y avait pas chez ce schizophrène comme une prémonition ?