Sauver Jupiler comme Suez ?
Les socialistes belges peuvent en prendre de la graine. Il est possible encore aujourd’hui d’influencer les marchés par la volonté de stratèges politiques élus par les citoyens. Cela laisse pantois devant l’inertie de la gauche au pouvoir qui ne fait rien d’autre que se lamenter en traînant les pieds derrière le libéralisme.
La fusion de Suez-Gaz de France pour contrer le groupe italien ENEL intéressé à l’achat de Suez est la preuve que ce qu’ils nous disent impossible, c’est du flan.
Pour mémoire, Gaz de France est une entreprise nationalisée et donc non-susceptible d’une manipulation transactionnelle avec une entreprise privée comme Suez. Seule n’est autorisée et même désirée par la Commission européenne l’opération qui consiste à passer dans le domaine privé par la cotation progressive en bourse et la vente des actions détenues par l‘Etat de ce type d’entreprise.
Dans le cas de figure, c’est le contraire. L’Etat propriétaire vole au secours d’une société privée en difficulté ou en passe de changer d’actionnaires.
C’est cette manoeuvre qui s’effectue aux yeux de tous.
Evidemment, cette fusion voulue par Villepin en urgence est tout à fait « illégale » par rapport aux critères de libre concurrence et de non-ingérence de l’Etat dans ce domaine.
L’Europe libérale s’effarouche et le Rond-point Schumann bruisse de commentaires.
Nos baveux à la sauce bleue MR en restent sciés, alors que voilà plus de cinquante ans que les USA ne font pas autre chose mais par le biais d’une surtaxe à l’entrée de leur territoire sur des produits qui pourraient mettre en péril leur production, et menacer leurs marques par un rachat de l’étranger ou, mieux encore, soutenir une industrie stratégique comme Boeing sous prétexte que l’on en fait autant pour Airbus.
Evidemment pour Suez, Claudio Scajola, ministre italien de l'Industrie, ne l’entend pas de cette oreille. Il a annoncé son intention de porter l'affaire devant les cerbères européens du libéralisme.
On se rappelle que Suez a absorbé en son temps la Société générale qui était menacée par un autre grand financier italien.
Pour mémoire, Suez est majoritaire dans la production et la distribution de l’électricité en Belgique. Dépendant pour notre énergie d’une puissance étrangère, en l’occurrence la France, nous passerions dans la dépendance de l’Italie.
France ou Italie, c’est ce qui s’appelle en langage fleuri des derniers et farouches patriotes, une atteinte à la sécurité du territoire et à la souveraineté nationale.
La Belgique vendue cent fois à Coca Cola et à Bill Gates, en passe d’être maquée par Nittal-Steel plutôt que par les Luxembourgeois de l’ex Arbed, nos politiciens depuis l’avènement de la mondialisation et la perte progressive de notre patrimoine sont devenus ses maquereaux.
Ils ne savent comment la prostituer davantage. Alors un souteneur de plus ou de moins…
A la lumière de cette initiative de sauvegarde française, qu’est-ce qui nous empêcherait de sauver Jupiler des griffes d’INBEV ?
Vous vous dites, Richard délire. Jupiler ne ferme pas. Juste un premier lessivage. Oui, mais que connaît-on des intentions des loustics de la bière ? Quelle sera l’étape suivante ? On douille déjà à mort avec le circuit de Francorchamps à cause des manches qui s’en sont occupés… etc.
Et puis, comment s’y prendre ?
Mais par une nationalisation du site de Jupille ! Cette bonne vieille nationalisation par intérêt public, de la même manière qu’on a foutu les gens de la rue Varin à la porte pour une autre version de l’intérêt public qui est la construction de la nouvelle gare des Guillemins.
Le décret wallon déclarant le site d’intérêt public, les brasseurs et les produits, patrimoine de la Wallonie, qui pourrait dire le contraire ? Ce site par ailleurs est historique. Et si le donjon de Charlemagne que l’on cherche à Jupille et Herstal, se trouvait sous les cuves de la célèbre bibine ?
Le métier est rentable, le produit est connu et ne serait-ce que régionalement, Jupiler a une réputation qui lui permet de faire des bénéfices. La mine de Blegny à quelques encablures ferait l’affaire pour un circuit touristique jumelant les deux.
Nous laisserions déprécier voire disparaître une boisson qui a le mérite d’être faite depuis un siècle chez nous, parce que des louvanistes ont acheté ce que l’on peut considérer comme une partie de notre folklore pour aller le dissiper au Brésil dans des alliances intercontinentales !
On a bien sauvé Cockerill que personne ne voulait plus en son temps. Il est vrai que Cockerill a été servi comme une patate chaude à se débarrasser par des actionnaires privés incompétents et que Jupiler est encore rentable, ne serait-ce que la marque.
Comme en France n’y a-t-il pas urgence ?
Les socialistes wallons ont-ils encore des couilles ?
Ne voit-on pas que c’est facile de refiler les canards boiteux comme Cockerill à la charité publique. Pourquoi l’inverse ne serait-il pas possible ? Se sauver avec les bijoux de famille d’une contrée déjà ravagée par le sans-gêne et l’incurie capitaliste, doit être sanctionné pareillement.
Qu’en pense le bourgmestre de Liège, Willy Demeyer ?