Chiraquisme et Villepinade
L’Union pour la majorité présidentielle, l’UMP, avale une sacrée couleuvre en ce moment.
Pour Villepin le calvaire n’est pas fini. Une nouvelle semaine d'épreuve de force s'ouvre pour lui, avec au programme une journée de grèves et de manifestations, mardi 28 mars. Serait-ce la fin d’un météore ? Si Chirac a commandé le CPE à Villepin sans consulter personne, c’était pour marquer un grand coup contre Sarkozy. Voilà qui est fait. Dans ce cas, une fois de plus, ce fut une gaffe magistrale. Villepin en faire-valoir, c’était tout ou rien. On a l’impression que ce sera « rien », sous peine de faire exploser le pays. On ne peut pas diriger la France, ni aucun autre pays de l’Europe de cette manière, sans concertation et sans consensus des populations. Chirac ne pourra pas faire sauter son premier ministre sans abattre ses propres cartes et dire qu’il était derrière ce coup.
Il se résoudra sans doute à le congédier. Villepin, dernier fusible, doit sauter. On a beau être entre ENARQUES, l’un n’en est pas moins le laquais de l’autre.
Oui, mais après ?
C’est toute la droite française qui va pâtir de cet affrontement feutré entre Chirac et son challenger, Sarkozy.
On ne peut pas ainsi jouer avec l’avenir des jeunes et l’emploi pour des raisons bassement politiciennes.
Les patrons eux-mêmes s’effraient des conséquences.
De toute manière, Villepin, le beau parleur finira à la trappe et Chirac ne s’en sortira pas indemne non plus.
Les discussions de dernière minute ne sont que les ultimes manœuvres pour diviser les adversaires. Refusant d'engager des « pourparlers » avec un premier ministre qui posait comme préalable "le maintien du CPE" la plupart des organisations étudiantes se sont abstenues et Villepin en a été pour ses frais de beaux gosses contrariés.
Dans la journée du dimanche Chirac a réuni à l’Elysée, outre Villepin, Jean-Louis Borloo (cohésion sociale) et Gérard Larcher (emploi) pour "un point de situation".
Si rien n’a filtré des conciliabules, on voit nettement mieux que « le coup » avait été bel et bien été commandité par Chirac.
Autre membre du gouvernement à s'être exprimé ce week-end, Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à se démarquer du premier ministre en appelant à un "compromis" dans le conflit du CPE, lors d'une réunion samedi avec de nouveaux adhérents à l'UMP.
Le front anti-CPE paraît toujours soudé. Les déclarations à l'encontre du gouvernement se sont multipliées tout au long du week-end. Le premier secrétaire du parti socialiste François Hollande a estimé que Dominique de Villepin "ne peut pas échapper à un retour devant le Parlement", pour sortir de la crise. Ségolène Royal a accusé le gouvernement de "jouer la carte de l'affrontement pour mieux faire oublier son arrogance et son incompétence" dans le dossier du CPE. Au Congrès du Parti communiste, Marie-George Buffet a qualifié d'"irresponsable" l'attitude du premier ministre.
Les discours se sont musclés au sein des organisations syndicales. Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a estimé que "mardi peut être un tournant". "Nous n'avons pas encore atteint le pic de la contestation". Force Ouvrière "proposera la poursuite de la grève" si le premier ministre, "au soir du 28 mars, ne retire pas le CPE". Réunie à Aix-en-Provence, la coordination nationale étudiante a réclamé le retrait du CPE et la démission du gouvernement, avec de nouvelles actions prévues le 30 mars et le 4 avril.
En Belgique, pays de la placidité de la gauche collaborationniste, on ne comprend pas l’agitation française, dont on suit pourtant les péripéties en se disant non sans une certaine satisfaction « Mon dieu ! heureusement que ce n’est pas ici ! »..
Il ne faut pas s’étonner. Ce n’est pas en 1789 qu’on s’est posé la question d’une nouvelle donne, mais trois ans plus tard. Evidemment, on n’est pas à croire au grand soir. Mais, il faut bien dire qu’avec un taux de syndicalisation des plus bas d’Europe, la France s’est positionnée quand même de façon plus radicale sur des problèmes de société et d’organisation sociale que nous.
Peut-être bien que la gauche française est en train de se refaire autour de la révolte étudiante ? Sans doute sera-t-il plus difficile, non seulement en France, mais aussi en Belgique de moudre des accords sur le consensus libéral, après le CPE, s’il foire, comme il est probable.
C’est en cela que l’actualité française nous intéresse.
Le cul vissé sur les programmes européens, nous ne verrions rien bouger depuis Bruxelles, si nos amis français n’étaient pas en train de nous faire savoir, après le non au référendum, que le consensus libéral ne nous convient pas non plus dans le traitement du chômage et qu’il ne faut pas compter sur la jeunesse pour entrer la corde au cou dans un travail qui ne serait plus qu’un vaste servage et une redoutable escroquerie.