Berlusconi, en baisser de rideau.
Il y a de ces coincidences…
Ainsi l’actuel Parrain de la Mafia, Bernardo Provenzano, a été arrêté en Sicile hier après plus de 40 ans de cavale. Au même moment Silvio Berlusconi, mauvais perdant, contestait la victoire de Romano Prodi et de la gauche aux élections italiennes.
C’est la droite affairiste qui s’en va. C’est un clown qui s’est condamné en décrétant que les Italiens qui n’auront pas voté pour lui sont des couillons… c’est-à-dire la majorité. C’est un maffieux de Corleone qui avait succédé à Toto Riina, en prison, qui tombe aussi.
Rien que de bonnes nouvelles pour nos amis de la Péninsule ?
Non. Car le vote des Italiens montre la même fracture que partout en Europe de l’Ouest. Le cinquante/cinquante marque une division qui va au-delà d’un duel gauche droite qui tient aux valeurs contestées de ce qu’on appelle encore la démocratie, à la difficulté croissante du citoyen à se faire entendre du parlementaire et de l’exécutif enivrés de pouvoir absolument convaincus qu’ils ont raison contre tout le monde (Voir le drame en France avec l’aveuglement du couple Chirac-Villepin).
Et encore, en Italie on peut toujours discerner la droite de la gauche, comme en France d’ailleurs, mais en Belgique ? Comme il n’y a plus ni l’une ni l’autre, l’électeur est complètement déboussolé.
Romano Prodi est la moins mauvaise des solutions pour mettre de l’ordre dans le gâchis actuel causé par un Berlusconi qui gérait l’Italie comme son portefeuille d’affaires. S’il est urgent de s’atteler aux problèmes sociaux, il est aussi impératif de démanteler le réseau Berlusconi dont les implications à la fois dedans et hors de la conduite de l’Etat ont rendu quasi impossible à l’Italien moyen de s’informer correctement.
Berlusconi a poussé à ses extrêmes la caricature de la démocratie libérale où la liberté d’entreprendre s’imbrique tellement dans la conduite de l’Etat qu’on se demande de qui, de la société anonyme ou de la Société italienne, procède le pouvoir ?
Il est inutile de revenir sur la mainmise des médias par le système Berlusconi. Il suffit de connaître les temps de présence sur les écrans de télévision de l’un et l’autre des candidats, pour être fixé.
Et c’est la grande difficulté d’aujourd’hui, comment empêcher le monde de l’argent d’envahir tout et prendre les meilleures places partout, non pas en fonction du mérite personnel de chacun, mais en fonction des moyens dont on dispose pour émerger avant les moins fortunés ?
La vraie démocratie ne peut pas être cette piste aux étoiles où Berlusconi était à la fois l’auguste, le clown blanc et le dompteur de puces savantes.
Romano Prodi est nul médiatiquement parlant. Il a l’air d’un honnête professeur, qu’il est certainement. Il fait trop sérieux par rapport à son rival, véritable mirliflore dont chaque intervention est un show.
Il faut le dire, la politique spectacle, en Italie comme ailleurs, s’est emparée de la politique tout court, faisant obligatoirement de qui veut passer la rampe, au minimum un clown blanc. C’est un prodige, Prodi n’est rien de tout cela.
Le malheur, c’est que les Italien ont toujours eu le goût du spectacle depuis les effets de tribune d’un Mussolini. Prodi aura très difficile de rendre à la politique un peu de sérieux, sans plomber la fête de la rentrée de la gauche, par des propos aux antipodes des plaisanteries de Silvio.
Nous verrons dans les mois qui vont venir comme Prodi saura faire de la coalition de la gauche un outil de progrès. Il a fait ses armes à l’Europe. Mais qu’y a-t-il fait qui soit de nature à augurer de ce qu’il fera dans la Péninsule ? On sait qu’il est pour l’orthodoxie financière, donc pas de rapport tendu entre le capitalisme et lui. On n’ignore pas que sa foi en la démocratie telle qu’on nous la vend aujourd’hui est quelque peu teintée d’ironie, mais qu’a-t-il fait à l’Europe pour la rendre plus familière aux citoyens ? Rien.
Le pouvait-il ? Apparemment l’Europe était trop conservatrice pour lui concéder la moindre concession, d’autant que les nouveaux pays membres sembleraient renforcer cette tendance.
On verra bien ce qu’il pourra faire en Italie.
De toute manière, il a un atout que Berlusconi n’a pas. De sa vie passée on peut estimer que Prodi est un honnête homme. C’est toujours ça.
Quant à l’avenir de Berlusconi, ne soyons pas trop inquiets. Il pourrait faire une immense carrière chez Bouglione.