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Vive la France !

Grandes gueules et cabochards les Français ?
Si c’est ainsi que les Belges les voient, ils ont grandement tort.
L’affaire du CPE montre au contraire chez ce peuple une intuition, une perception des choses qu’à cause de notre lourdeur – la fameuse lourdeur belge – nous ne voyons le plus souvent que bien après eux, comme s’ils avaient la redoutable mission d’ouvrir le chemin et d’essuyer les plâtres.
Car enfin, c’est moins contre le Contrat première embauche que le ton monte en France, que contre l’orientation que prend la société occidentale, très significativement représentée par Chirac et Villepin, inventeurs de l’adaptateur UMP à tous les soubresauts d’une économie mondiale border line.
Et de fait le mouvement de mauvaise humeur rappelle celui de mai 68, lorsque les étudiants montèrent en ligne bien avant les syndicats dans une sorte de mal être que les plus âgés ne percevaient pas.
On nous dit en Belgique dans les milieux bien pensants (les milieux bien pensants sont devenus essentiellement socialo-libéraux), le taux de syndicalisation en France est parmi les plus bas d’Europe. Et alors ? Est-ce que cela a empêché les gens de se retrouver trois millions vendredi passé dans la rue ? Ce n’est pas demain la veille qu’en Belgique on va réveiller les permanents et les guichetiers des deux grandes organisations syndicales pour une action de masse de cette importance. On voit très bien la fonction des syndicats en Belgique essentiellement tournée vers la protection individuelle à l’encontre d’un employeur abusif, ou d’un licenciement collectif. Le jour ou Ethias assurera les mêmes dégâts, la CSC et la FGTB perdront la moitié de leurs membres.
Reste le cas des casseurs, ces jeunes desperados des banlieues qui suivent les manifs pour semer la pagaille, briser des vitres, voler tout ce qu’ils peuvent, et y compris les transistors et les portables des manifestants esseulés.
La presse est unanime, l’opinion suit et n’a pas de mots assez durs. C’est un fait, ces trublions dénaturent la protestation et renforcent le bourgeoisisme profond des populations. Par leur action, ils ne feront que renforcer les troupes de Le Pen.

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Et alors ?
Voilà ce qui arrive quand on pousse les gens à n’être rien très jeune. N’ayant jamais eu rien à perdre, ils expriment d’une manière violente qu’ils n’aiment pas cette société en nous y associant. Nous réagissons à peu près de la même manière que le chirurgien qui oublie un tampon d’ouate dans le corps de l’opéré et qui s’étonne de l’infection quelques jours plus tard.
Oui, ces casseurs, ces violents, c’est nous qui les avons faits. Ils sont même à notre image sans que nous nous en rendions compte, nous si âpres aux gains, aux places, aux honneurs, si avides de reconnaissance que certains bourgeois honorables n’hésitent pas à « tuer » pour arriver.
Ils resurgissent dans les manifs contre le CPE depuis les émeutes de la fin de l’année dernière, sortis des barres d’immeubles de banlieue, où nous les parquons depuis deux ou trois générations, accumulant ainsi comme dans un silo, une haine irrépressible, cette haine que l’animal sauvage doit éprouver dans un zoo face à ses visiteurs et ses gardiens.
Cette représentation de la face cachée de nous-mêmes nous la repoussons, comme nous repoussons au-dedans de nous, tous les sentiments mauvais que nous ne réprimons qu’à moitié, laissant aller notre haine des autres dans l’organisation figée d’une hiérarchie sociale injuste et injustifiée d’une société de parvenus qui méprise les trois quarts de sa population..
Les manifestations en France contre le CPE sont l’occasion d’un instantané non seulement sur la Société française, mais encore sur la nôtre et par delà la Société européenne tout entière.
Bien entendu, lourds et aussi peu lucides comme nous le sommes, nous n’en voyons rien que de très superficiel, aidés en cela par des journaux croupionnissimes comme il n’est pas permis.
Cela n’est rien. N’a aucune signification. On sait bien que les petites Nations sont des havres de frilosité dont la fonction principale est de suivre les grandes.
Quand le moment sera venu, que les écailles nous tomberont des yeux, sans les partis de gauche comme de droite, trop assermentés de la loyauté du lombric pour l’intestin qui le nourrit, nous suivrons le nouveau mouvement d’émancipation qui s’amorce, comme nous en avons suivi d’autres en d’autres temps de cette grande Nation si proche et si lointaine de nous.
Vive la France qui s’interroge. Vivent les Françaises et les Français qui luttent pour rester debout.

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