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Un vampire végétarien.

La servante : Le matin, quand je me lève, le jour pointe à peine à travers les volets. Les premières lueurs ne sont pas blanches, elles sont grises.
Le Président Max du Pièce : Vous l’entendez-vous autres qui vous levez à peine quand la servante a déjà travaillé quatre heures ? Il y a toutes sortes de soleil, des jaunes, des rouges, des blancs, mais aussi des gris et des noirs !...
La servante - Je descends à la buanderie. Je remplis les tonneaux d’eau et de mousse et sur la planche à lessiver, je bats d’abord le linge, puis je le passe à la pierre ponce. En hiver, j’ai des engelures et pourtant, c’est indispensable de plonger le linge dans l’eau froide.
Le Président Max du Pièce – Que c’est magnifique de sentir sa peau qui se crevasse au service des autres ! Vous lui auriez offert une machine à lessiver qu’elle n’aurait pas pu être plus heureuse ! Et l’eau froide qui tue les acariens !... Vous l’auriez trouvé ? Alors que vous, dans vos BMW climatisées, vous ne sentez pas quand le volant est froid, puisque vous avez un chauffeur !
La servante – Ensuite, je passe à l’imprimerie pour prendre les tracts et les distribuer pour la réélection du Président et des gentils animateurs. Je ne traîne pas, car je dois rentrer pour faire les lits et vider les pots de chambre.
Le Président Max du Pièce – Quelle leçon de civisme ! Quelle leçon de courage ! Nous, que faisons-nous tandis qu’elle veille à notre réélection ? Nous dormons dans les lits qu’elle refera tout à l’heure. Nous pissons dans des pots qu’elle videra en notre nom dans les stations d’épuration que son travail nous procure ! Et avec ça, heureuse… joyeuse même sur les chemins de la belle aventure de la vie. Au moins tu ne traînes pas dans ta besogne, mon enfant ?
La servante – Je vous l’ai dit pour, je cours déposer les tracts dans les boîtes à lettre.
Le Président Max du Pièce – Oui, mais entre les lits et la vidange des pots d’aisance, tu ne nous as rien dit !
La servante – C’est tout pareil, puisque tout de suite après, je frotte les parquets…
Le Président Max du Pièce – La bonne odeur de la cire d’abeille…
La servante – je balaie et je nettoie.
Le président Max du Pièce – La bonne odeur d’Ajax citron…
La servante – Bref, je ne traîne nulle part.
Le président Max du Pièce – Et ça n’en finit pas ! C’est ça le bonheur, je l’ai toujours dit à ces misérables vautrés sur leur pupitre à boire dans des tasses à moka frappées du sceau de l’Etat !
La servante – Mais, j’ai mal au dos…
Le président Max du Pièce – Comme je t’envie ! De belles crampes, on se tient les reins, la saine fatigue du travail. Nous aussi, tu sais, nous avons un dos. Nous ne le savons que trop bien, il ne nous sert à rien. Notre colonne vertébrale qui soutient tout, c’est le bois de la tribune auquel nous nous agrippons.

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La servante – L’après-midi, je fais le jardin. Je bêche. Je bine. Je fleuris les abords des salles de réunion. J’agrémente les tables des banquets, puis je viens crier sous les fenêtres avec les autres membres du personnel, notre fierté d’être dans le parti du Président du Pièce.
Le président Max du Pièce – Tu ne traînes pas trop dans la foule ? Je t’ai déjà fait la remarque à plusieurs occasions, tu pousses trois cris « vive Max du Pièce » et puis tu retournes à ton travail. Le dernier meeting, tu as crié quatre fois « vive Max du Pièce », j’ai eu de la peine à te mettre à l’amende, mais c’est pour le parti…
La servante – Eh bien ! puisque c’est pour le parti, vous auriez pu me le dire, j’aurais crié cinq fois « vive Max du Pièce », ainsi ma contribution aurait été plus grande.
Le président Max du Pièce – Si la distance entre toi et moi qui te représente pourtant, n’était pas si énorme, je t’embrasserais sur la bouche avec ton accord.
La servante – Mais vous le faites dans les coins !
Le président Max du Pièce – Justement, là, c’est sans ton accord. Ce n’est pas la même chose.
La servante – Comme vous connaissez bien les femmes ! Comme vous les défendez bien ! J’aimerais pour vous plaire davantage être autrement habillée. Ma robe est trouée et mes souliers ne valent guère mieux.
Le président Max du Pièce – Mais tu me plais ainsi. Tu me plairais moins avec une jolie robe et des souliers Louis Vuitton, comme nous autres nous habillons nos femmes. Le travail a ceci d’admirable qu’il faut s’y présenter avec des vêtements usagers tant on les y abîme. Et puis quand je te couche sur les sacs poubelles du Parti, tu en aurais vite pour des notes de teinturier que tu ne pourrais pas payer !
La servante – Voyez-vous, ce que vous dites là est un effet du bon sens.
Président Max du Pièce – Bref, tout va bien mon enfant ?
La servante – Oui, sauf que je suis morte de fatigue.
¨Président Max du Pièce – Nous savons ce dont tu parles, nous les immortels provisoires, sans éprouver rien vraiment dans la perception des besoins et des désirs des autres que nous satisfaisons dans la mesure de nos moyens. Je vois que ta fatigue nous jouera tôt ou tard un méchant tour. Aussi, pour ton confort et l’avenir de notre parti, tu iras chômer dès la semaine prochaine.
La servante – Merci, monsieur le Président. Je me mets comment sur les sacs poubelles ?
Président Max du Pièce – Toujours en-dessous, évidemment. Tu ne voudrais pas que je salisse mon costume Pierre Cardin.

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