Loi naturelle contre loi du marché
-Mon cher Helmut, un nouveau mode de penser fournit un instrument révolutionnaire de mesure des populations. Depuis Herskovits, fondateur de l’américanisme noir, l’anthropologie considérait les cultures et les populations humaines comme égales.
-La tribu la plus primitive s’adapte avec plus de succès à son environnement que la nation la plus avancée.
-Mais le relativisme culturel ne reconnaît qu’une seule règle, professeur Young-Haldane, l’adaptabilité d’un peuple à sa situation présente.
-Certes, mais le relativisme culturel ignore la capacité qu’un peuple et sa culture ont d’évoluer avec bonheur face au changement.
-Aussi, cher Helmut, il faut atteindre au plus haut degré d’adaptation si nous voulons survivre. La liberté de choisir libéralise le marché du gaz. Bon. Du coup le gaz libéralisé coûte plus cher, donc je m’adapte et je retourne au foyer à bois.
Euro deals de Mac Donald vaut 1 €. Est-il meilleur pour autant ? Meilleur par rapport à quoi ? Je le mange et je m’aperçois que si j’ai évolué, lui pas ; car quelque chose m’arrive par l’arrière : le cholestérol ! Jacques Weber annonce que lui n’en a plus.
Ça fait 3 mois que je teste Danacol à cause de Jacques Weber. Je n'ai rien changé à mes habitudes alimentaires. Je mange et bois de la même manière et je fais de la natation. Mon taux de cholestérol et de triglycérides a augmenté en flèche ! Je m’inquiète pour lui, montagne de graisse et deux fois plus gras que moi… Je lui ai écrit : « J’ai déjà vu des faux culs, mais vous êtes une synthèse. » Il ne m’a pas répondu, terrassé par l’excès du bon cholestérol, sans doute ? Est-ce possible…
Quand je regarde un match de foot à la télé, je transpire sous les aisselles comme Ronaldo, dont il faut retenir qu’il a le maillot parmi les plus mouillés des équipes en quart de finale, en même temps qu’il est le Brésilien le plus décevant. Me refusant à décevoir Ginette, je teste le Rexona Shoot win. Depuis, je transpire toujours, c’est l’odeur qui a changé. Résultat, Ginette ne supporte plus de s’asseoir avec moi sur le divan, en plus sa libido est au plus bas. Alors, je m’adapte et je reviens à l’odeur sui generis, la meilleure, celle qui fait immédiatement penser au spiculum amoris de l’escargot.
J’ai renoncé aussi à prélaver le linge et à ne me sentir bien que dans des Adidas.
Lorsque la sélection, au nom de la conformité sera poussée à fond dans plusieurs générations, tout paraîtra en ordre, et pourtant le nombre de variants sera en forte diminution, le « pool » génétique de la population aura réduit ses chances à des perspectives de survies.
-Vous vous sentez bien, professeur Young-Haldane ?
-Je ne porte plus de caleçon, les slips me dérangent et les élèves m’emmerdent, mais je m’adapte.
-Irenaüs Eib-Eibesfeld, parlant des mécanismes innés, les a définis comme les « réactions et les états de l’animal dont dépendent le conditionnement et le savoir »
-On pourrait vous rétorquer les arguments avancés de S.L. Washburn et David Hamburg selon lesquels « L’évolution par la sélection établit la base biologique qui fait que beaucoup de comportements sont facilement appris ».
-Qu’est-ce que cela veut dire ? Dois-je m’adapter en fondant la ressemblance de mes goûts et de mes moyens sur le plus grand nombre ?
-En réalité que voulez-vous dire par là ?
-La même chose que vous.
-Alors si c’est la même chose que moi, nous ferions mieux d’en rester là.
-Pourquoi ?
-Parce que nous devenons incompréhensibles. C’est-à-dire que nous voulons prouver notre adaptation en nous écartant des autres, ce qui est un paradoxe.
-Et si la règle ne l’était plus et que l’originalité qui signifie le désordre avait raison sur le chaos apparent, insatisfaisant et liberticide ?
-Et comment va Ginette ?
-Je ne sais de qui vous voulez parler ?
-Mais de la petite qui n’aimait que vos mauvaises odeurs et qui prit la fuite dès lors que vous les avez masquées ?
-C’est une personne fictive, bien entendu. Je ne regarde pas le foot à la télé.
-Bref, tous vos exemples sont faux ?
-Ne conviennent-ils pas dans ces décors peints que nous supportons et cette vie stupide que nous menons entre cour et jardin ?