Utilitarisme et soupe populaire.
Les partis de gouvernement, de la gauche à la droite, ont tous adopté la philosophie anglo-saxonne libérale, et ce depuis l’abandon du principe de la lutte des classes du défunt PSB. Cette philosophie de gouvernement est analytique et ne s’occupe vraiment que de questions futiles, celles d’une gestion quotidienne d’adaptation du peuple aux lois du marché.
Nos préoccupations et notamment les tensions entre le capital et le travail, la notion de solidarité entre les citoyens, la paupérisation d’une partie de la population qui touche aujourd’hui la middle class et l’inquiétude exprimée des dérives d’un capitalisme insolent, n’ont aucun rapport avec la philosophie anglo-saxonne de gestion de l’Etat. En conséquence, les réponses du libéralisme ne sont que des demi-réponses, avec des mesures aléatoires et précaires.
Ce n’est pas le rôle du Mouvement Réformateur de répondre au désir des collectivités de plus de liberté et de progrès. Pour la droite libérale, cette attente se résume à la seule liberté d’entreprendre. Par contre, le silence des dirigeants du PS est accablant.
Les lois de contraintes pleuvent. Mais ce sont des lois contre le racisme, pour la sécurité routières, contre le tabagisme, pour plus de contrôles des citoyens, pour les aggravations des peines, des amendes, de la TVA. Aucune n’apporte des solutions pour ce qui touche à la justice et à l’éthique. On dirait que l’Etat redouble de contraintes et n’est jaloux de son autorité que sur des leurres dérivatifs, afin de mieux se soustraire aux plus importantes interrogations qui concernent les points essentiels du fonctionnement de la démocratie.
C’est que la culture anglo-saxonne adoptée à l’unanimité ne s’attache qu’à la logique, la logistique pourrait-on dire, philosophique et épistémologique, en ignorant superbement l’axiologie, c’est-à-dire l’étude des valeurs morales.
Où en est, l’éthique d’une philosophie politique ?
C’est ainsi que s’établissent des lois tournant toutes autour du commerce, organisant la nature des rapports de subordinations entre les individus, pénalisant les uns et valorisant les autres, qui n’ont rien à voir avec les exigences d’une morale supérieure. C’est de ce noyau que partent aujourd’hui toutes les autres composantes sociales, prenant en charge l’individu du berceau à la tombe, pour une vie dans un ordre donné, sans lui demander son avis et en ne tenant aucun compte de la critique qui percerait à travers l’opacité des opérations d’Etat.
Un exemple d’immoralité politique en Belgique, a été le refus du PS de consulter la population sur le projet de la Constitution européenne.
L’illusoire sécurité par le renforcement actuel des polices résulte d’une propagande pour la garantie des personnes et des biens, mais surtout des biens, dans la pure tradition d’un Robert Nozick, dont madame Thatcher s’est inspirée.
Qu’est ce philosophe américain ? Une sorte d’ultra-libéral conservateur qui, en plaçant l’individu et l’association des individus au-dessus de tout, promeut la réussite personnelle par la destruction des valeurs collectives et la haine de la solidarité, condamnant l’Etat au seul souci de l’Ordre et du gardiennage des « individus dangereux ».
Voilà quel type de société on défend aujourd’hui en Belgique. Et c’est aussi une des raisons du divorce entre les politiciens et la population.
Les vrais problèmes sont ceux qui concernent le plus grand nombre et qui embarrassent la conscience collective. Toutes les broutilles inconsistantes qu’on nous fait ingérer, les fausses valeurs que l’on nous dit d’admirer, les débats auxquels on demande notre participation, n’ont rien à voir avec ce qui « qui tourmentent et gênent la vie » selon Valéry.
Il nous importe que Madame Arena et Monsieur Jean-Claude Marcourt décident de mesures en faveur de l’emploi et sur le même temps restreignent le droit des chômeurs à être indemnisés. Ces mesures ne servent qu’à occuper le devant de la scène à six mois des élections. Et n’apporteront aucune amélioration dans la vie des gens.
Comment se fait-il que dans une économie sans cesse vantée comme une des plus performantes qui soit, la précarité devient le lot de tous les travailleurs et quels sont les causes d’une paupérisation accrue ?
Utilitarisme ou suivisme : que devons nous espérer ?
Quel est le critère essentiel de nos décisions collectives ?
Qu’est-ce qu’une répartition équitable de la production de biens d’une société organisée ? Qu’entend-on par la construction d’une société juste ?
Le jour où des audacieux se poseront ces questions, peut-être la gauche pourra-t-elle renaître ?
On peut toujours rêver, non ?