L’art de rompre.
-Tu sais que je t’aime, toi, Louise…
-Denise…
-Oui, Denise. On ne se voit pas souvent, mais quand on se voit…
-On s’est encore vus hier au Panier Rose…
-C’est vrai. Deux fois en trois semaines…
-Non. trois fois en deux semaines…
-C’est à peu près pareil. Tu es belle, tu sais, quand tu dénoues ton chignon.
-C’est un faux chignon.
-Quand tu l’enlèves, veux-je dire et que tu te montres à moi…
-C’est la première fois que j’en mets un.
-De quoi ?
-De faux chignon.
-Tu le sais, je n’aime pas l’artifice. Ton corps me suffit. Au fait, est-ce que nous avons couché, ou pas ?
-Tu ne t’en souviens plus ?
-Je suis très émotif… Je plaisante bien sûr… je me souviens de tout. Ton mari était parti faire son dur métier…
-Je ne suis pas mariée !
-J’aime mieux t’imaginer mariée. Enfin, si tu ne l’es pas, tant mieux.
-Je l’ai été, tu le sais bien, je te l’ai dit à cette fameuse soirée…
-C’est ce que j’ai voulu dire. Et cette fameuse soirée… sous les arbres…
-C’était chez moi et je n’ai pas de jardin…
-On avait la perspective des grands arbres… des platanes du bord de route…
-En face, c’est le mur d’Arcelor !
-Oui. C’était si triste que je m’imaginais loin de la banlieue, quelque part en forêt ! Ah ! Maryse…
-Denise !
-Qu’ai-je donc à confondre ton charmant prénom avec toutes ces pétasses ? C’est la confusion des mots en « ise »
-…comme bêtise !
-Non. Laisse-moi te regarder encore. Tu sais Denise…
-Voilà, tu y es.
-J’ai pu te blesser hier à propos d’une certain tatouage à la fesse droite…
-Quel tatouage ?
-Oui, quel tatouage !
-Tu viens de me dire que tu avais pu me blesser hier, à propos d’un certain tatouage…
-Moi, j’ai dit ça ?
-Oui.
-Tu as même précisé « à la fesse droite ».
-Evidemment, il ne s’agit pas de toi… mais de moi.
-Toi, tu as un tatouage à la fesse droite ? Je n’ai rien vu…
-Ecoute Maryse… Louise… enfin, je ne sais plus…
-Denise…
-…Denise, je peux t’avouer une chose ?
-Oui, tu peux…
-J’ai envie d’un tatouage sur la fesse droite… voilà, le secret est lâché. Je t’ai dit ça hier, tu ne t’en souviens pas ?
-Non. Et comme je ne m’en souviens pas, ça n’a pas l’air de m’avoir blessée beaucoup…
-Enfin, n’en parlons plus.
-Pourquoi, tu n’en as plus envie ?
-Je ne veux pas te blesser davantage.
-Mais, tu peux te faire tatouer pour moi.
-Non. N’en parlons plus.
-C’est comme tu veux.
-Je voudrais te dire encore une chose avant que tu ne reprennes le volant de ta Fiat Uno…
Je meurs d’impatience de te retrouver au bar « La flibuste » avant de monter chez toi, demain à 15 h comme d’habitude…
-J’en assez entendu, pauvre cloche. Je m’appelle Gisèle, je ne sais pas conduire et demain j’ai rendez-vous avec mon dentiste.
(Elle se lève furieuse et part en claquant la porte du café des Sports. Lui, resté seul, sort son agenda d’un air satisfait et rature une page)
-On peut dire que la vie n’est pas facile quand on a plusieurs fers au feu. Je supprime ce pot de colle qui fait l’amour comme mon pied et je cours chez Angèle, pour voir si ce n’est pas mieux !