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Le roman de Jean-Claude de Charleroi.

-Vous vous foutez de moi ?
-Je ne comprends pas !
-Vous ne croyez tout de même pas que je vais publier ça ?
-M’en fous… La « dernière Heure » le prendra moyennant quelques modifications.
….
La nouvelle a traumatisé Charleroi.
Jean-Claude est devenu Natacha !
Voilà une de ces bizarreries que même la nature explique difficilement.
On savait la nouvelle hardeuse fatiguée, pleurant à chaudes larmes d’anciens amis désormais ignorés. On ne savait pas que Jean-Claude Natacha tenait une maison de passe dans la Ville basse à Charleroi !
Le Père Samuel était au courant depuis longtemps de la volonté de Jean-Claude de devenir Natacha. Il aurait, paraît-il, baptisé la jeune femme et il l’aurait mariée morganatiquement à un certain D. R.
Mais le ménage est en grande difficulté. En cause les récentes affaires et les descentes de police.
La vie de Natacha n'a rien d'un long fleuve tranquille. Née garçon, baptisée Jean-Claude, devenue femme à la suite d’une querelle avec une figure montoise incontournable, Natacha a roulé sa bosse avant d'atterrir finalement dans la région où elle, tente, en compagnie de son mari, de mener une vie normale...
Rien n'est facile quand on est transsexuelle. C'est ce qu'est devenue, presque malgré elle, Natacha. "Je n'avais rien d'un garçon. À partir de ce moment-là tout est devenu plus compliqué..."

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Plongée dans le milieu carolorégien, ce n'est qu'il y a deux ans que Natacha en est sortie après que la maison de passe qu'elle tenait rue de la Moulinette ait fait l'objet d'une descente de la police judiciaire. "Cela s'est produit le 14 décembre 2004. L'établissement fonctionnait bien depuis plus de dix ans et j'ai été punie pour avoir engagé deux membres du parti venant des pays de l'Est, une Roumaine et une Bulgare, que j'ai finalement remerciées, car elles n'avaient pas de permis de séjour et mon protecteur ne voulait pas s’attirer d’ennui. Elles se sont vengées en déposant plainte contre moi en disant qu'elles avaient été mal logées dans des habitations sociales. Elles auraient été violées et battues dans les corridors privés d’électricité depuis six mois pour cause de manque d’ampoules ! »
C'est sur cette base-là que les policiers sont venus chez moi, où ils n'ont rien trouvé. « Qu’auraient-ils pu trouver depuis que je ne cotise plus au gang des forts en gueule ? En plus de la fermeture, cela m'a valu 8 jours de prison, avec les hommes, ce qui signifie, pas de préau, douche à minuit avec interdiction de ramasser les savonnettes, réveil toutes les dix minutes, impossibilité de laver ma lingerie. C’est là que j’ai revu mes anciennes camarades, qui, si elles avaient mieux réussi que moi, s’étaient quand même fait avoir par un excès de gourmandise. J’avais ébauché une romance avec un maton. Quand il a été découvert, on l’a muté à la prison de Termonde, le pauvre. »
Selon Natacha la terrible loi du monde de la nuit a détruit sa vie. L’amour du pouvoir et de l’argent sont les pires fléaux de cette Région du centre que Natacha aime tant !
Et de poursuivre : « J'ai cru bien faire en leur donnant de bonnes conditions de travail et en les mettant en règle de cotisation. Je ne comprends toujours pas pourquoi on nous empêche de les mettre en ordre alors qu'on les laisse importer par la mafia qui est dirigée d’où vous savez par qui vous savez. Elles payent très cher leurs fautes. En prison elles étaient en larmes. Quoique aujourd’hui depuis que les gens pensent à autre chose, elles sont presque toutes sorties de l’enfer. Mais leurs familles sont prises en otage par les réviseurs. Moi, elles me respectaient. Je cumulais peu de pourboires et je les laissais se repaître de petites broutilles que je leur concédais pour mieux les asservir à mon lieu de travail ... On a fermé mon établissement parce qu'elles étaient illégales. Je peux vous assurer qu'elles sont encore dans la rue à l'heure actuelle. Et on entendra parler d’elles en octobre, c’est moi qui vous le dis ! Sinon, elles, au moins les membres de leurs familles qui vont monter aux créneaux. »
Jean-Claude Natacha a confiance dans l’avenir.
Elle est restée très populaire à Charleroi où son bordel était fréquenté par des personnalités dont elle tait les noms.
Elle nous a reçus très simplement dans son salon où tant de fessiers illustres se sont posés. Dans un pêle-mêle retiré du mur dont on voit encore la trace sur le tapis rose à roses rouges délavées, elle nous a montré ses faux amis qui l’ont abandonnée au moment où elle avait besoin de leur chaude présence.
Elle a pleuré très sincèrement sur mon épaule, ce qui a laissé des traces de rouge à lèvre sur mon col blanc de pigiste, qui ne va pas favoriser mon retour au foyer.
Lorsqu’elle m’a quitté, elle m’a glissé dans un murmure « pourquoi tant de haine ».
Oui, pourquoi ?
Firmin Legrouillot, journaliste pluraliste.

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