Portrait des States.
Qui a traîné ses grolles aux USA comprend mieux la mentalité générale, encore qu’elle englobe des variantes considérables.
Quand on essaie de pénétrer la mentalité américaine, c’est toujours « en gros » ou, si l’on veut, selon l’apparence générale, de sorte que la sociologie reste vague. Quand, par exemple, Bush parle au nom du Peuple américain, on devine que le consensus n’est pas général, cependant l’on se doute qu’avec ses conseillers et ses politologues, le Président est toujours en harmonie avec une majorité d’Américains.
C’est donc cette frange importante de la population qui nous intéresse.
Ces Américains-là qui forment donc l’opinion majoritaire vivent dans un monde abstrait. L’argent y est si important qu’il symbolise presque à lui seul l’Amérique.
Ce n’est pas que les majorités soient avares, avec des vues étroites sur toute chose, les Américains n’amassent pas et sont si prompts à dépenser que la plupart vivent à crédit. Mais l’argent, sans lequel vous n’êtes rien aux USA est si important dans leur vie, que même ceux qui donnent sans compter à des œuvres caritatives, ne peuvent s’empêcher de le considérer comme le pivot de la société.
C’est de ce point de vue la même mentalité qui prévaut à Tel-Aviv et, sans compter la diaspora juive si importante dans des Etats comme New York, l’Américain moyen se retrouve dans le monde du commerce et de l’argent de la même manière qu’en Israël. Cela explique en partie le soutien actuel des USA.
Si l’argent est pour la plupart le seul but dans la vie américaine, c’est qu’il est le commun dénominateur de toutes les activités humaines, confondant les moyens avec le but, au point de ne plus savoir quel il était au temps de l’illusion que le monde appartenait à la jeunesse. Les valeurs concrètes passées sous silence, voire effacée par l’argent, les Américains pataugent dans le vide de leur existence sans s’en apercevoir, la réussite, toujours établie en dollars, n’étant que fictive.
Le jour où les Américains redonneront un sens à cette valeur abstraite, il se pourrait bien qu’ils nous étonnent encore, comme jadis, lorsque l’industrie de Boston et de New York était naissante.
Ce qui est étonnant pour ce peuple dynamique, c’est l’apathie dans laquelle l’élite est tombée dans la remise en question du monde et d’eux-mêmes.
Le système capitaliste est fini, dans le sens qu’il est parfait. Quasi une œuvre d’art à laquelle on ne touche pas. Cela fait un monde dichotome. Il y a le Bien (eux) et le Mal (ceux qui ne pensent pas comme eux). De cela se déterminent la démocratie dans laquelle ils croient être et la Liberté qui en est le résultat. Ce peuple se refuse à faire la part du mal, à imaginer d’autres systèmes ou à perfectionner le leur, puisqu’il est parfait donc accompli.
Le mal est un aléa des peuples sur une mauvaise voie. Le Bien l’éliminera progressivement, parce que c’est dans la nature des choses. C’est le discours de Bush, partagé par les républicains et les Démocrates.
Ce discours directement issu de la guerre froide avec l’URSS est resté le fondement de la politique américaine dans toutes ses stratégies et ses conflits depuis 50 ans.
Certes, les Européens ont beaucoup copié des Etats-Unis, ne serait-ce que le lien qui existe entre capitalisme = liberté du commerce et démocratie = liberté tout court. Comme eux, nous n’avons pas d’autre alternative que celle de suivre les dérives du capitalisme en essayant désespérément de lui donner un sens moral comme un sens social, ce qu’il n’a jamais eu ; mais, il y a chez nos élites plus de scepticisme et moins de valeur ajoutée au seul critère de l’argent roi. La gauche européenne a des courants qui sont nettement hostiles à la tournure que prend le système unique. Et c’est en cela que la gauche européenne ne ressemble pas aux Démocrates américains.
Néanmoins, on peut penser que la crise de confiance qui traversera la gauche européenne devant les fiascos répétés du capitalisme aveugle, feront un jour bouger l’assurance monolithique qu’il n’y a rien à faire contre le dollar et le commerce sauvage. Ce jour-là, les partis socialistes européens retrouveront un peu de coloration.
Quant aux Américains, leur manque de nuance et leur psychologie de parvenu les ont privés de la sympathie de la moitié de la planète. On voit bien encore aujourd’hui dans leur aveuglement à soutenir Israël, comme ils auront du mal à passer pour des interlocuteurs valables afin d’aider au règlement du conflit au Moyen-Orient.
Ils sont ainsi. Cela fait partie d’une identité américaine que ce grand pays a bien difficile de faire évoluer.
C’est dommage que l’Europe, poussée dans le dos par l’Angleterre, a si difficile de se démarquer des Etats-Unis pour mener une autre politique qui ne soit pas la survivance de l’ancienne et toujours présente Alliance atlantique.