Les partis à la colle.
-Avant, c’était autre chose. On se tapait sur la gueule entre colleurs, histoire qu’on se souvienne de la campagne. Aujourd’hui t’as un postillon qui s’écrase sur le nez de l’autre et c’est tout de suite la plainte pour agression.
-Quand Guy cachait sa poule dans le coffre pour passer les barrages de flics et qu’André cassait des vitrines place Saint-Lambert, c’était une époque.
-T’as collé pour qui ?
-Pour le grand du MPW…
-Le grand ?
-Attends son nom me revient… Jacques. Je collais pour Jacques. Et toi ?
-Moi, je collais pour Robert. Mais je te parle de ça… voilà bien… bon voilà !
-De quel parti il était, Robert ?
-Je ne sais pas.
-Tu collais et tu savais pas pour qui !
-Pour Robert.
-Mais t’avais bien un numéro sur l’affiche ?
-Oui, mais ça voulait rien dire. C’était pour les élections sociales.
-Bougre de con, t’étais de la FGTB !
-Ouais.
-Moi aussi !...
-Pour les partis, c’est pas pareil.
-A propos de quoi ? De la colle qu’i’ mettent ?
-Non. Des campagnes ennuyeuses, pour dire la même chose… des panneaux avec des numéros, des endroits réservés, comme si ceux qu’on colle étaient devenus des putes…
-C’est à cause de la propreté qu’on exige dans les rues. Puis, se promener de la nuit pour coller, alors que Didier fait une campagne sur l’insécurité à Liège, on a la frousse…
-D’accord, mais c’est que de la propagande…
-On finit pas croire à ce qu’on colle !...
-C’est parce que tu lis ce qu’ils mettent dessus. Si tu collais en regardant qu’où tu mets ta colle, tu verrais rien.
-Tu colles pour quoi ?
-Pour être nommé à Intradel.
-ll faut coller pour être nommé à Intradel ?
-Non. Mais, c’est mieux. Et toi ?
-Je colle depuis si longtemps que j’ai oublié.
-Toujours pour le même ?
-Non, j’ai changé. Avant, j’étais au PS, mais le rouge me valait rien. J’avais les yeux qui piquaient. C’est mon oculiste qui m’a conseillé de coller bleu. Depuis, je colle pour Didier.
-Et tes yeux ?
-Je pleure toujours.
-Faudra coller vert la prochaine fois.
-Oui, c’est plus doux. Mais je crois que je suis allergique à la colle.
-Didier a abandonné Perfax ?
-Oui. Il prend une sous marque. Déjà quand tu délaies, tu te rends compte.
-Ça fait des grumeaux ?
-Oui. Alors, il y a des bosses en-dessous.
-C’est mieux parfois, on croirait du relief.
-Avant-hier, comme on collait, il passe. J’avais justement un paquet de colle qui boursouflait l’affiche juste à la hauteur des choses de sa vie. Il n’a jamais voulu que je repasse avec le pinceau.
-Il avait l’air plus couillu.
-C’est ça qu’aiment bien les électeurs.
-Alors, cette fois, ils vont les gagner ?
-On se demande.
-Tu comprends quand ils ne les gagnent pas, ils font la gueule et on n’a rien en plus de ce qu’ils nous avaient promis.
-De toute façon on aura fait ce qu’on a pu.
-S’ils sont marrons, je leur conseillerai de changer de colle la prochaine fois.