Prodrome.
L’unification des personnels qui exercent les pouvoirs politiques et économiques en Belgique est pratiquement accomplie.
On le voit dans les programmes des partis. Cela est moins visible des industries, sinon qu’il n’existe plus d’entreprises à direction paternaliste ou collective à but social, du type Union Coopérative.
Aujourd’hui, ce sont les mêmes hommes qui sont membres du PS ou du MR qui sont hauts fonctionnaires dans les ministères, qui d’une législature à l’autre restent en place et produisent une conduite continue et identique. Pareillement, les directions industrielles reçoivent à peu près les mêmes consignes des propriétaires cosmopolites en concurrence sur tout, sauf sur les notions d’économie libérale mondialisée.
Il n’y a plus place dans ce système à des idéologies différentes quant aux concepts de progrès des masses autres que l’idéologie dominante. C’est donc à une confiscation de la démocratie à laquelle on assiste au profit d’une seule idéologie, celle du capitalisme.
Astucieusement on a associé libéralisme et démocratie, afin de faire croire au couple réussi. En réalité, il n’en est rien. Et les antagonismes éteints en apparence, sont bien toujours présents et obèrent les rapports entre les catégories sociales.
Les détenteurs du pouvoir par la légitimité du suffrage universel côtoient les chefs d’entreprise par la légitimité de l’actionnariat qui veulent être efficaces et organisent le travail pour un rendement maximum. Les deux légitimités ne semblent pas hostiles et se côtoient dans une compréhension réciproque.
On peut se demander jusqu’à quel point la manière de décider n’est pas exclusivement suggérée par la fonction, au détriment de tout autre aspect, comme, par exemple un courant d’idée qui trouverait sa source dans les difficultés d’existence des petites gens ?
Le seul aspect qui différencie nos sociétés des sociétés totalitaires de type iranien, c’est la séparation du pouvoir temporel, du pouvoir spirituel. Les autres cas rencontrés dans les pays arabes, une dictature royale ou présidentielle dans laquelle s’imbrique et profite, sans la dominer, le pouvoir religieux, est le plus fréquent.
Notre système du suffrage universel comme il est appliqué génère une idéologie d’Etat en soustrayant toute discussion et tout dialogue avec « le tiers » pendant quatre ans.
Aujourd’hui, notre idéologie d’Etat conduit au resserrement de la quasi-totalité des partis autour de la notion de profit, générant un égoïsme quasiment institutionnel.
Nous en sommes au point que le capitalisme fait du marxisme à rebours sans le savoir en voulant éliminer une classe sociale : la classe ouvrière.
Et il est près d’y parvenir avec l’aide des partis de gouvernement. En effet, lorsque la croissance économique a atteint son terme, la parcellisation des tâches et leur répétitivité enlèvent aux travailleurs le seul pouvoir qu’ils avaient : la responsabilité et l’inventivité dans l’art de faire.
Selon la logique du système, une classe qui entrave le développement des forces productives parce qu’elle reflète un état anachronique, doit être éliminée. Les suppressions d’emplois ne sont qu’à leur début.
Par rapport au communisme défunt, le libéralisme a démontré qu’il était la méthode la plus efficace de développement industriel.
Cependant, il n’a pas et ne peut pas répondre à la question suivante.
Pour quoi faire ?
Il ne se préoccupe pas de justice sociale parce qu’il n’élève pas le niveau de vie de l’ensemble de la population et il ne peut pas se préoccuper d’autres valeurs comme la culture qui n’a qu’un rapport fort éloigné avec le mode de productivité et de rendement, enfin, il ne peut pas gérer avec parcimonie les richesses minérales dont il use, son objectif n’étant que de produire au maximum et au moindre coût.
Ce qui est inquiétant, c’est la dérive à laquelle on assiste. La construction quasi artisanale du capitalisme naissant a fait place à un capitalisme de dimension mondiale dont la rationalité n’a que faire des manières de vivre anciennes.
De par la complicité effective du pouvoir politique avec le pouvoir industriel, il ne se trouve plus aucun rempart entre la volonté libérale et l’intérêt collectif.
D’où il convient de prédire dans ce siècle un profond bouleversement qui renversera les valeurs et mettra dans la même réprobation la politique traditionaliste et l’industrie, suggérant qu’il est possible d’imaginer une troisième voie entre le capitalisme défaillant et le marxisme défunt.
Sans ce sursaut, les masses seront réduites à l’état d’esclavage industriel.
Cette troisième voie pourrait être une remise en question de la démocratie confisquée afin de lui redonner une nouvelle vie sous une forme apte à représenter le plus grand nombre de manière équitable. On pourrait à nouveau reparler d’une démocratie populaire, quoique cette expression fasse encore peur en référence aux errements passés du communisme.