Fin prêt !
-Qu’est-ce qu’on va encore s’emmerder le jour de l’an !
-Parle pour toi.
-Ha ! parce que toi…
-Oui, môssieu, je sors…
-Tu n’as pas d’ami, tu es incapable de pousser la porte d’une boîte tout seul, tu ne sais pas danser, et tu sors !
-Parfaitement.
-Pour faire quoi ?
-Tu es miro, ou quoi ? Tu n’as pas vu mon look ? Je vais draguer, parole, de la minette à la quadra qui a le feu aux choses. Je les veux toutes…
-Toi draguer ? C’est la meilleure… Comment tu vas t’y prendre ?
-J’ai établi mon programme. Je vais d’abord à une conférence de Comte-Sponville sur la séduction « du milieu bourgeois, au milieu carcéral ».
-Ça débute fort. Note que je ne vois pas le rapport entre les milieux.
-Moi non plus. C’est une coquille sur l’affiche. C’est peut-être en milieu monacal, ou je ne sais quoi… Tu connais le zigue, agnostique avec des bouffées d’enfant de chœur…
-La drague passe par le baratin de Comte-Sponville, philosophe mais mondain ?... Comme tu y vas.
-Je profite d’un billet gratuit numéroté que mon père m’a filé.
-Tu veux dire qu’il t’oblige d’y aller, parce que t’es nul en philo ?
-Dans la salle, il y a peut-être une ou l’autre personne qui est là pour renifler du mâle. Tu vois ce que je veux dire ?
-Et toi, à l’affût, hop, tu interviens ?
-Mon vieux, pour la drague tous les terrains sont bons.
-Et si ta croustillante voisine te demande si tu n’aimes pas mieux Michel Onfray, que l’André Comte machin… qu’est-ce que tu vas répliquer ?
-C’est qui Onfray ?
-Tu vas lui dire ça ?
-Non. C’est juste pour me renseigner.
-Laisse tomber. Et si tu fais chou blanc, où tu vas pour la suite ?
-En boîte.
-Tu danses pas !
-Je repère un truc bourré. On s’agite, on danse pas. Je sais m’agiter. Tiens, comme ça…
-Fais gaffe, il y a des gens qui nous regardent. Et là t’espères…
-T’entends quand même ce qu’elles pensent de moi, les boudins de l’école ? Séducteur, dragueur, plaisant, tout ce qu’il faut. A l’Athé de Montegnée, je me retiens. Si je voulais, elles seraient toutes en cloque, tu vois le tableau ?
-Le soir du réveillon tu vas foncer…
-J’aime autant de te dire qu’elles vont devoir serrer les fesses.
-A ce point ?
-Ouais. J’hésite encore sur le choix de la boîte. Il y a un bal à Fexhe-le-Haut-Clocher et un Country-Band dans la salle d’Anthisnes.
-En mobylette, Anthisnes, c’est pas trop loin ?
-Surtout si c’est boueux, rapport au bas du pantalon…
-C’est finalement à Fexhe que tu vas faire un malheur, après Comte-Sponville ?
-Probable. A moins que Solange me réclame pour autre chose.
-Justement Solange. Elle m’a dit de te dire que c’était plus la peine de la reconduire le soir en mobylette chez elle, qu’elle a trouvé un autre qui a une voiture.
-Elle t’a dit ça ?
-Même que si elle n’avait trouvé personne qu’elle t’aurait quand même dit que tu ne l’attendes plus. Tu comprends, c’est gênant pour ses copines. Paraît, que tu fais ringard.
-Faut croire que je l’ai drôlement secouée pour qu’elle n’ose plus m’aborder. La séduction, ça transpire. Je fais ringard, moi ? T’as vu la marque de mon jeans ?
-Justement, voilà vingt ans qu’on les fait plus. Elle dit que tu mets ceux de ton père. Puis, t’as les mains moites.
-Elle me désire, la vache. Je le sens quand elle se colle à mon dos et que je fonce à trente à l’heure rue Saint-Nicolas…
-La dernière fois, elle a préféré faire le reste du chemin à pied tellement tu devenais collant… Même que tu as voulu l’embrasser et qu’elle t’a fichu une baffe.
-C’est comme l’amie de ma mère. Toute folle de moi.
-Elle t’a fichu une baffe aussi ?
-Elle trouve que je regarde trop dans ses décolletés et que la dernière fois, comme j’étais en culotte courte, que ça se voyait un peu trop.
-Eh ! t’as tout pour plaire… le look, la pulsion, le charme, te reste plus que l’autorisation de rentrer après minuit, parce que, je te signale, la drague s’assure après le réveillon.