« Un sioniste d'un nouveau genre. | Accueil | Au train où ça va… »

Une aberration.

-Si je fais trop sérieux, dis-le tout de suite !
-Je n’ai pas dit ça. Je crois que tu n’es pas mon type.
-C’est quoi ton type ?
-Tu le sais bien.
-Si je le savais, je ne te poserais pas la question.
-Tu le sais. Mais tu ne veux pas ouvrir les yeux.
-Non ! Si c’est à celui que je pense…
-Voilà tu y es.
-Cette ordure ! Me faire ça après sept ans…
-Voilà que tu recommences. Tu ne comprendras jamais rien.
-Comprendre quoi ?
-Qu’une fois on n’aime plus, n’importe quel type est cent fois mieux.
-Je ne devrais pas insister ?
-Ce serait mieux ainsi.
-Quand même, d’où il sort ? Et d’abord comment l’as-tu connu ?
-Qu’est-ce que ça peut te faire ?
-Vous allez vivre ensemble ?
-Non. Enfin de temps en temps. On veut réfléchir.
-Il est marié ?
-Il l’a été. Pourquoi veux-tu qu’il le soit ?
-Avec sa gueule, il a dû s’agripper à la première et ne plus la lâcher !...
-Non. Pas du tout. C’est un beau, pourquoi dis-tu qu’il est laid ?…
-C’est toi qui l’as dragué ?
-Oui.
-C’est pas vrai. Dis que je rêve ?

murano3.JPG

-C’est un type beau et intelligent. Il a trouvé mon travail à son goût. On se connaît un peu avant qu’il ne remise ses crampons…
-Ah ! j’y suis. Il a flatté ton amour propre, tes grandes qualités. Peut-être n’a-t-il pas hésité à parler de chef-d’œuvre à propos de ta production ?
-Ça ne te regarde pas, ce qu’il m’a dit. C’est un érudit.
-De quoi ?
-Des guerres napoléoniennes. Et puis il a beaucoup voyagé.
-Je rêve. Un vétéran de laquelle ? Austerlitz ?
-C’est celle qu’il préfère. Il n’était pas né. Mais il connaît tout de A à Z.
-Et toi qui n’as jamais rien lu, qui est nulle en histoire ! Qui ne sait pas qui était Adolphe Hitler !... C’est nouveau…
-C’est un sportif.
-A propos des crampons ! Ne me dis pas, que c’est un ancien footballeur ?
-Justement.
-Tu as toujours eu horreur des sportifs !
-Et puis comme passe-temps, il collectionne les timbres postes, peint des figurines du premier Empire.
-Non ! C’est Pignon, ce type-là !
-C’est un génie que je te dis !... Il a été marié et sais-tu comment il s’est séparé de sa femme ?
-Dis toujours ?
-Il a porté plainte pour brutalité…
-… de sa femme ?
-Comme je te le dis.
-Un délateur qui a besoin des flics pour larguer son épouse, ça ne te gêne pas ?
-Il a eu la loi pour lui.
-Il est militaire ?
-Pas du tout.
-Il fait quoi ?
-Il est dans les Assurances.
-A part dénoncer, jouer au football, faire des assurances, collectionner des timbres postes et des petits soldats, il passe ses loisirs à quoi ?
-C’est déjà pas mal. Il bricole et ne s’occupe pas de politique, quoique il vote à gauche…
-Tu lui as dit que tu avais lu Zola ?
-Comment tu le sais ?
-C’est pour ça…
-Je ne sais pas pourquoi je te parle encore ?
-Je croyais que ton départ allait me ficher un cafard monstre, qu’après toi la vie ne serait plus comme avant, que, désespéré, j’étais prêt à tout, y compris faire des conneries. Tu m’as tout dit. Les bras m’en tombent et pourtant Adeline, je suis soulagé.
-Je m’en fous. Tu ne m’es plus rien.
-Moi pareil. Je m’en fous, je te dis. Juste encore un mot, l’année prochaine, vous partez en vacances ?
-A Benidorm, ou chez sa sœur dans les Pouilles, ou il va retaper sa maison avec des amis. On ne sait pas encore. Tu vois, c’est un homme qui a de l’idée, toujours en mouvement… Avec lui, je ne m’ennuie jamais. Le soir on regarde les séries à la télé, on fait un jeu fléché avant d’aller au lit, on s’intéresse, quoi….
-Parfait. Il te convient parfaitement. A tel point, que je me demande par quelle aberration tu as pu me convenir aussi si longtemps ?

Poster un commentaire