Ecrire au jour le jour.
La Belgique n’est pas seule en cause, le constat est européen : la presse écrite traverse la pire crise de son histoire. La masse ne s’informe plus comme jadis par la lecture des journaux. Le désintérêt pour la politique y est pour beaucoup. On le serait à moins. On nous a assez dit que nous étions dans le meilleur système au monde. La lente dégringolade de tout, salaires, chômage, logement nous prouve le contraire, alors que l’on n’a jamais tant produit ! En s’accommodant de ce lent dépérissement, les politiques ont désarmé les débats. On imagine qu’il n’y a plus de différence entre la gauche et la droite. On les croit complices d’un système exténué et gravement attentatoire au progrès du plus grand nombre. Et si le peuple n’a pas tout à fait raison, il n’a pas tort non plus.
Du coup, il n’y a plus que la presse des scandales et celle du cul qui marchent. Tout au plus, pourrait-on y intégrer les magazines télé, qui se mettent à l’information générale, en concurrence de la « grande » presse.
Le regain d’intérêt pour l’info viendrait plutôt d’Internet. Mais Internet ne sera jamais la presse écrite.
La presse d’opinion voit une baisse régulière de son lectorat. L’équilibre économique des grands quotidiens est menacé. Sa disparition pourrait, à terme, menacer la pluralité des opinions dans nos démocraties.
D’aucuns diront que les opinions aussi peu diversifiées, ne justifient plus une presse d’opinion. C’est un cercle vicieux. Plus les tirages baissent, plus l’opinion se rétrécit, se racrapote au centre. C’est comme la fin d’une étoile qui s’effondre sur elle-même, puis qui implose.
C’est le cas du quotidien Libération. Sauvé in extremis, mais pour combien de temps ?
Indépendamment de l’économie capitaliste qui plombe les débats, nous piège et nous réduit à ne plus être maître de notre destin, tant au niveau économique, qu’au niveau social et politique, il ne faut pas minimiser les autres facteurs de déclin.
Les « gratuits » sont du nombre. En un peu plus de 20 ans, ces journaux ont développé leurs tirages au point qu’ils sont aux premiers rangs des « journaux » les plus diffusés. Conséquences : beaucoup de lecteurs ne lisent plus les quotidiens payants ; les annonceurs trouvent plus d’avantages à arroser les « gratuits ». Or les ventes en kiosque et la publicité constituent deux des principales ressources d’un journal, la troisième étant les abonnements.
Internet modifie les pratiques culturelles (musique, édition, cinéma, télévision), et n’épargne pas le champ de la communication. On n’a pas fini de constater ses progrès et on ignore encore si les métamorphoses successives de ce support de la pensée vont s’arrêter et stabiliser le secteur de l’information. Il est vraisemblable que nous avons encore à en attendre des innovations qui bouleverseront, peut-être définitivement l’information.
Le nombre d’Internautes aux infos sur la Toile ne cesse d’augmenter. Beaucoup de lecteurs y ont trouvé une plus grande diversité d’opinions que dans la presse écrite et ont déserté les journaux.
Internet fascine par les sites gratuits disponibles, par la possibilité aussi d’y créer son propre blog (Je m’y suis laissé prendre), et par la facilité d’échanger des opinions sur des sujets parfois rarement ou pas du tout traités par les journaux.
Pas folle la guêpe, le système capitaliste décrié comme un des principaux responsables du déclin, récupère déjà à tout va la liberté sur le NET, si l’on en croit un chercheur, Eric Klinenberg : « Internet a longtemps été caractérisé par le nombre illimité de ses nouveaux sites exprimant la diversité des opinions politiques d’un bout à l’autre du spectre. Mais, désormais, les sites les plus populaires sont contrôlés par les groupes de médias les plus puissants. »
Ce n’est pas neuf. Là où l’on renifle la possibilité de faire du fric, les mariolles abondent. Quand un nouveau média apparaît et que ça marche, c’est comme la ruée vers l’or. On ne respecte plus rien.
Et nous revoilà au cœur des grands médias, leur façon prédatrice et leur manque de culture désignent la cible, la dégradent et l’abêtissent. Avec eux les débats s’abaissent et les idées reculent.
Un article du Monde est sans équivoque : « En France, la propriété des grands médias est concentrée entre les mains de quelques groupes industriels et financiers, dont deux fabricants d’armes : Lagardère (via Hachette) et Dassault (via la Socpresse). Ce constat préoccupant doit conduire les citoyens à se mobiliser et à soutenir, en riposte, la presse indépendante dont fait partie Le Monde diplomatique. »
En Belgique on n’est pas loin du compte de deux ou trois sources d’influence, pas plus, dans les mêmes dispositions offensives que les groupes français.
La peau de chagrin devra encore rétrécir. Plus elle se rétrécira, plus la presse indépendante perdra des journalistes compétents dont la façon de penser et leur art singulier manqueront à la liberté d’expression.
Peut-être bien, et c’est la seule consolation, qu’en dehors du commerce de la pensée, il se forme sur le NET une autre génération de journalistes, prête un jour à secouer le joug, dont le travail commence déjà, malgré les chacals et les manipulateurs.