Humaniste, la démocratie ?
Car enfin, l’humanisme n’est-il pas d’abord un combat pour l’homme, pour TOUS les hommes ?
Certes, l’humanisme pratique nous réunit. Qui serait contre ? Ne sommes-nous pas condamnés à vivre ensemble, à nous supporter et à réussir, parcelle par parcelle, dans une humanité dispersée, différente et contradictoire ?
Oui mais, l’humanité n’est pas un principe explicatif, mais un effort de l’un vers les autres, tous les autres, justement, sans tenir compte des parcelles.
Et dans ce domaine qui sommes-nous et où allons-nous ?
Ce n’est pas parce que les trois-quarts de l’humanité crèvent de faim que nous ne mangeons pas à l’aise nos tartines de confiture le matin en sirotant notre café. Ce n’est pas parce que notre voisin est chômeur que nous ne réclamons pas davantage d’efforts de nos subalternes afin d’arrondir notre paie. Ce n’est pas parce que des enfants sont emprisonnés à côté de leurs parents à Vottem, pour la simple raison qu’ils n’ont pas la chance qui les aurait vus naître en Belgique plutôt qu’ailleurs, qui va nous empêcher de déposer pour les nôtres les cadeaux rituels sous le sapin de Noël.
Une pensée de commisération, une obole dans le tronc d’une association caritative, un regard de compréhension pour des situations pires que les nôtres, certes, nous faisons preuve par là d’humanité, mais est-ce vraiment de l’humanisme ?
Beaucoup n’en ont pas conscience, mais nous sommes à la fois les promoteurs et les prisonniers d’une démocratie dont le sens nous échappe, au service d’une économie rationaliste qui nous échappe davantage et dont nous avons le toupet, par le biais d’un libéralisme qui nous arrange, de la faire coïncider avec les « valeurs » de l’humanisme !
En réalité, nous nous endormons dans une théorie explicative de « l’humanisme du possible » dans un monde bouleversé des techniques et du progrès qui, croyons-nous, pousse l’humanité vers le haut, alors qu’en réalité, elle la pousse vers le bas.
Nous délirons de la sorte au nom de nos valeurs ! Pour les définir, il faudrait que l’on puisse savoir ce dont on parle, qu’une valeur soit au moins quelque chose de réel, selon le propos de Platon : Un monde intelligible, avec dedans une idée d’Homme !
Hélas ! Nous savons tous qu’aucun politique, aucun savant ne peut entreprendre une explication sérieuse des guerres, des religions contradictoires, aussi bien que les fortunes scandaleuses érigées sur des monceaux de cadavres, des famines sans nom ou des exploitations honteuses.
Les sociétés qui sont les produits des associations humaines ne sont finalement que des associations de hiérarchies confuses d’où émergent les anciens négriers devenus par adaptation les grands financiers.
Faut-il se voiler la face ? Certains noient leur ignorance volontaire dans un bourgeoisisme qui est devenu une sorte de placenta originel, d’autres pleurent la « mort de l’homme » comme le pyromane crie « au feu ».
Comprendre ce qui fait la société dans laquelle nous sommes, reviendrait d’essayer à se comprendre soi-même.
Notre destin qui semble tracer à l’avance s’en trouverait peut-être bouleversé ?
Henri Poincaré a fait justement remarquer que la science parle au présent et jamais à l’impératif. C’est là une leçon qui nous détermine à parler des faits. Et pour ce faire, quoi de mieux que de mettre à plat les faits qui nous autorisent à voir ce que nous sommes aujourd’hui et prédire ce que nous deviendrons demain, dans la poursuite implacable des conséquences de ces faits ?
A l’exception de quelques zones d’un progrès matériel, en passe d’être asphyxiées par la prolifération de l’inutile, sans être débarrassées pour autant d’une misère locale toute relative, les guerres, et les religions antagonistes nous font augurer d’un sombre destin collectif. !
Quand trouvera-t-on le courage de dire en face du monde entier que nous sommes tous les acteurs d’un échec planétaire ?
La contemplation d’une satisfaction illusoire, non seulement aucune valeur morale n’en transparaît, mais en plus épuise la terre, pourtant si féconde, comme la mère s’épuise d’enfantements répétés et sans fin.
En attendant qu’éclate la vérité sur nos illusions, sur nos égoïsmes, sur le système capitaliste, le plus redoutable des systèmes et le plus meurtrier pour l’humanité, répétons avec Montaigne : « j’estime tous les hommes, et embrasse un Polonais comme un Français, superposant cette liaison nationale à l’universelle et commune. »
Ce que mon voisin traduira par « Tout ça ne nous rendra pas le Congo. »
Commentaires
Je suisd'accord.Nous sommes vraiment « les promoteurs et les prisonniers d'une démocratie dont le sens nous échappe» ainsi que les acteurs et les témoins impuissants de ses réels( et souvent cachés)effets...Mais dans une vision globale, vu d'en haut(je ne trouve pas le mot même s'il existe sur le bout de ma langue...)l'histoire de l'humanité n'est-elle pas faite que d'inégalités et d'injustice ? Du meilleur et du pire? Que les valeurs de la démocratie et d'une justice pour tous soit bonne,je ne crois pas qu'on puisse le contester. Mais l'être humain est intrinsèquement imparfait( tout en étant paradoxalement parfait... parfois) et la distance entre le principe et son application sont depuis le premier souffle liés à sa réalité (que ce soit dans la foi, la justice,l'éducation, la liberté, l'intégrité ou la réalisation de soi, qui sont tous d'ailleurs liés de près ou de loin, à la philosophie humaniste).Ce que je cherche à dire c'est que , oui,la vie sur terre est composée d'hypocrisie, de faux-semblants et des conséquences à nos yeux voilés. Oui,le mensonge nous propulse à des lieux d'où nous voudrions être...mais qu'il en a toujours été ainsi. J'estime seulement qu'on ne peut rejeter une idée sur les imperfections qui la composent, sans juger de l'ensemble de son apport. Que se passait-il avant la pensée humaniste? Était-ce mieux? Espérons -nous un retour en arrière sans juger de l'ensemble de ce passé ou en l'idéalisant? N'oublions pas que le bonheur est une notion récente, réservée longtemps aux nobles et aux puissants. Le terrible échec mondial n'est-il pas ,en fait,le reflet de notre incapacité à ouvrir l'accès aux valeurs humanistes pour tous? À notre manque de patience et à notre égoisme qui a tant de mal à trouver un équilibre,individuellement, socialement et mondialement.Dans l'ensemble donc, les conditions de l'humanité globale se sont-elles améliorées? C'est là mon questionnement. Une excuse pour ne rien faire? Que faire à part de dérisoires gestes d'intégité posés dans l' espoir qu'ils sont suivis par des milliards d'autres gestes positifs, assez nombreux pour contrebalancer les milliards de gestes morbides d'auto- destruction... Comme personne et comme mère, j'espère ne pas voir ou laisser un monde qui s'effondrera comme les tours du World Trade Center...
Postée le: France | mai 16, 2007 04:44 PM