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Les beaux emplois du FOREm.

-Monsieur Simon Templar ?
-Lui-même.
-C’est un pseudonyme, évidemment ?
-Evidemment !
-Vous êtes pickpocket. Pouvez-vous parler de votre profession aux stagiaires demandeurs d’emplois que nous formons au FOREm ?
- Je dirais que c’est une belle profession, pleine d’imprévus et de surprises. On n’y fait pas fortune. Elle peut nourrir son homme s’il est adroit. Malheureusement, si les débouchés existent, ils sont encombrés par la main-d’œuvre étrangère. Nous avons perdu la Batte aux profits des étrangers.
-Vous n’allez pas faire le complexe du plombier polonais ?
-Non. Mais la filière roumaine est en pleine expansion.
-A quoi attribuez-vous ce phénomène ?
-A l’excellence des écoles d’apprentissage de ce pays et la réputation « tête en l’air » de la bourgeoise vieillissante de nos contrées qui les attire.
-Un enseignement rigoureux… des directives meilleures de madame Arena ?
-Oui. Si nos voulons concurrencer ces grands professionnels venus de l’étranger.
-Quelles sont vos zones d’exploitation ?
-Nous travaillons – pour ce qui concerne la région liégeoise – dans les lieux dits du Carré, avec le point fort du Passage Lemonnier et des Galeries Saint-Lambert.
-Quelles sont les matières premières que vous exploitez ?
- Le sac à main en bandoulière de la femme mûre. La besace de l’étudiante. Personnellement, je me suis spécialisé dans la fermeture éclair Riri.
-Nos stages étudient le bouton-pression, et le lacet de décoration.
-En effet, ce sont des fermetures répandues.
-Les moments forts de votre travail ?
-Quand nous récoltons les fruits de notre labeur.
-J’imagine que c’est exaltant d’ouvrir un portefeuille ?
-Nous avons des surprises. C’est ainsi que nous avons découvert des images pornographiques dans le missel d’une religieuse.
-Qu’en avez-vous fait ?
-Nous avons été blessé dans notre foi profonde. Nous avons des principes. Ne jamais revendre ce qui pourrait pervertir le citoyen. Nous avons détruit ces horreurs ! Par contre, nous avons trouvé des images pieuses dans le portefeuille d’un socialiste.
-Que faites-vous en pareil cas ?
-Avant, nous nous arrangions pour qu’un passant ramasse les papiers de l’intéressé à défaut de son argent qui représente notre salaire. Ainsi, le pigeon retrouvait l’essentiel et n’avait pas à faire des démarches contraignantes afin d'obtenir des duplicata de substitution.

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-Et aujourd’hui ?
-Si le portefeuille est beau, les passants le conservent et jettent les papiers à l’égout.
-C’est malhonnête !
-Parfaitement. Aussi, nous avons toujours sur nous quelques portefeuilles en tissu que la police offre aux malheureux détroussés. Nous y mettons les documents trouvés. Il est rare que le passant fasse preuve d’incivisme dans ce cas.
-Vos plus belles réussites ?
-Un collègue a dérobé, en Vinâve-d’Ile le revolver d’un inspecteur en patrouille. Il aurait peut-être pu en faire autant avec celui de son collègue, s’il n’avait été attiré par un sac prometteur. Le temps de se l’approprier, hélas, les policiers s’étaient volatilisés ! Dans le sac de la dame – Je tairai son identité, attendu que c’est une personnalité liégeoise - il n’y avait que quelques euros et un godemiché qui avait déjà servi et était donc non commerçable.
-Il y a ainsi des aléas…
-Je recommande à vos élèves la plus grande perspicacité. D’abord observer la personne et jauger si elle est rentable. Ensuite opérer avec tact et discrétion. J’ai rendu le sac d’une poétesse liégeoise qui m’a donné 100 euros pour avoir retrouvé son manuscrit, un poème en vers libérés célébrant son époux. C’est lui qui m’a ouvert, un petit vieux qui puait de la gueule. Tout est dans la tête. J’avais été trompé par la qualité cuir du sac.
-Vous êtes pour la violence ?
-Non. C’est affaire de voyous… S’accrocher à un sac dont la propriétaire ne veut pas se défaire, est indigne de notre métier. Nous excluons toute brutalité et tout contact prolongé. Seul le doigté compte. Aussi l’apprentissage est important, le coup d’œil, le sang-froid doivent aller avec la rapidité d’exécution.
-Y a-t-il des chômeurs dans votre profession ?
-Pas encore, quoique la concurrence soit vive. Ce qui se paie content, c’est la maladresse.
-Vous redoutez la mise à pied ?
-Pas trop. Les policiers sont débordés. C’est le bon côté de l’envahissement des Roumains. Les plaintes ne sont enregistrées que rarement et toujours sans suite. Le flagrant délit n’est pas sanctionné, attendu que ce sont les apprentis qui se font prendre et chez nous l’apprentissage commence à 10-11 ans…
-C’est donc un métier que vous recommandez, Monsieur Simon Templar ?
-Absolument.
-Je vous remercie. Avant de partir, vous seriez gentil de me rendre ma montre-bracelet.
-Ah ! vous l’aviez senti ? Cela fait partie de nos trucs. Une légère pression au poignet a détourné votre attention, pendant que je dérobais votre petite culotte, très fine, très féminine…


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