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Sarkozy : un homme du passé !

A relire les leçons de Raymond Aron à la Sorbonne dans les années 1955-1956, on est porté à croire que décédé en 1983, s’il avait vécu une dizaine d’années de plus, sans doute aurait-il changé ses positions vis-à-vis de la société. Car, il y a un monde de différence entre la société que nous décrit Aron et celle mondialisée d’aujourd’hui.
En reprenant son analyse de sa cinquième leçon, celle qui porte sur « les classes dans les sociétés capitalistes », on peut le suivre pas à pas. Après s’être attardé sur les distinguos entre les classes paysannes, atomisées aujourd’hui, et quelques autres classes artisanales et de petits commerces, il en arrive à distinguer essentiellement deux classes : celle des industriels et des possédants économiques, d’une part, et celle des ouvriers et employés, d’autre part.
A la différence des marxistes, Raymond Aron a posé la question de savoir si les intérêts entre ces deux classes étaient réellement antagonistes, pour en arriver à la conclusion, qu’ils ne l’étaient qu’en apparence.
Je tairai la subtilité de son discours, ce que l’on peut en dire, c’est qu’il aura déterminé quelques générations d’étudiants à abandonner toute prétention à la radicalisation politique et assuré la plateforme libérale d’une continuité théorique.
Cependant, avant d’en arriver là, il nous aura livré quelques pertinentes vérités.
Sa définitions de classe : « …un groupe qui englobe un grand nombre d’individus jamais rassemblés physiquement… sans organisation précise, ni légalement constituée, on peut y entrer et en sortir sans le savoir… » est correcte.
Sa critique des sociétés modernes l’est tout autant : « …dans la mesure où elles sont à la fois industrielles et démocratiques, sont affectées d’une double contradiction : convaincues d’une puissance de production sans limite, elles sont choquées par les îlots de pauvreté qui n’ont pas disparu, elles proclament à tous les vents l’égalité fondamentale des individus, et elles sont frappées par les inégalités qui subsistent entre les citoyens. ». Par après, le discours confirme cette première constatation : « …la contradiction entre l’égalité de droit et l’égalité de fait est profonde…Le sort de l’individu ne paraît pas déterminé par ses mérites ou ses démérites… Donc l’inégalité n’est pas conforme à l’équité… ».
Pourquoi, dès lors, Raymond Aron en est-il arrivé à l’hypothèse que les tensions de classes n’étaient qu’apparentes et qu’en réalité il y avait une solidarité de fait entre les résultats d’une entreprise et les progrès parallèles des salaires et des conditions de travail ?
Dans les années cinquante, des rapports accablants vinrent éclairer les économistes un instant troublés par les « résultats » du marxisme en Union Soviétique. Les plans quinquennaux surtout en disaient long sur l’incapacité de l’URSS à modifier sensiblement le sort des Russes. De même que la guerre froide, mais cela était dû à la concurrence frontale entre l’Amérique et l’Union Soviétique, avait « pompé » jusqu’à 33 % du produit intérieur brut en faveur de l’armement.
Viscéralement antimarxiste, Raymond Aron s’était donc convaincu de l’absolue nécessité d’une harmonie d’intérêts entre les possédants et les possédés, malgré les apparences, d’où ses leçons dont il avait besoin pour se persuader lui-même, avant les étudiants de la Sorbonne.
Les temps ont changé.
Les années cinquante virent la fin du paternalisme. La situation d’un ouvrier ou d’un employé faisant une carrière complète dans une seule entreprise fut remplacée peu à peu par une instabilité d’emploi et la fin d’un courant direct entre l’employeur et le personnel. Les petites entreprises furent rachetées par les moyennes et les moyennes par les grosses, si bien qu’à l’aube du troisième millénaire, les affaires se sont mondialisées, les directions diluées dans des montages qui échappent aux personnels. Ce capitalisme fuyant, impalpable, international n’est responsable que des profits qu’ils génèrent pour les seuls actionnaires.
Du coup les antagonismes resurgissent, noyés encore par les partis politiques qui, à droite comme à gauche, cherchent des repères et, en tous cas, les conditions d’un nouvel ancrage de ce capitalisme mondialisé avec la démocratie et la dignité des personnes. Quadrature du cercle où vont se casser les dents les partis de gauche qui, justement trop crédules, avaient opté pour la thèse de Raymond Aron et abandonné le principe de la lutte des classes.
En réalité, il ne s’agit plus vraiment de la lutte des classes, puisque le plus clair de la population, même si certaines catégories sont moins vulnérables que d’autres, est en perte de capacité responsable et décisionnelle ; mais de la lutte d’une écrasante majorité contre une oligarchie cosmopolite et disséminée dans les arrières cours des banques, protégée par des strates d’intermédiaires, et n’ayant à titre personnel aucune responsabilité apparente dans les transferts de biens et d’usines, jetant à la rue, cependant, sur une simple décision, des dizaines de milliers de personnes, sans aucun scrupule.

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Les cours magistraux de Raymond Aron ont couvert une époque, fait le point sur la société des années cinquante. Pour le reste, ils n’étaient pas prémonitoires ; mieux, ils n’ont guère préparé à vivre le monde d’aujourd’hui. Ils n’ont été bénéfiques qu’à une tendance que l’on peut qualifier d’utile à Sarkozy, c’est-à-dire une analyse expliquant la société actuelle avec des événements d’hier, sans contredire jamais le nouveau capitalisme.
Aussi bien, le caractère obsolète des analyses du président de l’UMP saute aux yeux après la lecture de « la lutte des classes » de Raymond Aron.
Si les Français élisent cet homme, ils auront vite la désagréable surprise de voir sous les allures de l’homme moderne, un homme du passé, terriblement marqué par « l’expérience » et les « convictions » d’un autre âge, présageant de nouvelles catastrophes sociales.

Commentaires

Cette conception (d'Aron) se retrouve dans les encouragements adressés aux petits et moyens épargnants pour qu'ils investissent aussi la sphère de l'actionnariat et deviennent de petits apprentis-tyrans et de vrais cupides. Ce en quoi les personnes concernées se tirent une balle dans le pied (le leur ou celui de leurs enfants) puisque leur avidité finira par se retourner contre elles. Quand les bourses dégringoleront (et toutes les bourses finissent avec l'âge par dégringoler, n'est-ce pas?), seuls quelques fûtés tireront leur épingle du jeu; les autres seront ruinés et se retrouveront dans un environnement désolé qu'ils auront contribué à détruire. La plupart d'entre nous sommes devenus schyzophrènes puisqu'en nous coexistent le cupide et le revendicateur d'équité sociale. C'est donc à une originale lutte des classes que nous assistons: celle qui se déroule entre deux facettes de notre être. Il faut donc investir dans la philosophie, l'éthique et la connaissance d'une part et d'autre part réinventer une "démocratie autoritaire" avec des guillotines symboliques pour les malfaisants.

Homme du présent du futur ou du passé, Sarkozy se doit de tenir ses engagements auprès des Français. Pour l'instant il ne fait rien pour aider la dénommée "Sameh" dont on parle partout et surtout sur le site de "reveil Tunisie".
Cette histoire fait partie du respect des droits de l'homme mais Nicolas prend les choses autrement et ferme les yeux. Fera t'il de même avec le reste de sa politique ?

Homme du présent du futur ou du passé, Sarkozy se doit de tenir ses engagements auprès des Français. Pour l'instant il ne fait rien pour aider la dénommée "Sameh" dont on parle partout et surtout sur le site de "reveil Tunisie".
Cette histoire fait partie du respect des droits de l'homme mais Nicolas prend les choses autrement et ferme les yeux. Fera t'il de même avec le reste de sa politique ?

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