Un piège abscons
Un petit livre bien décapant (1.) nous plonge dans le quotidien du piège abscons. Les auteurs démontent les cinq phases de la mâchoire du piège des plus classiques et des plus imparables :
1. La personne s’engage dans une suite d’événements qu’elle provoque qui lui coûte du temps, de grands efforts, et des moyens ;
2. Hélas ! la réussite n’est pas perceptible ;
3. Mais la personne pense qu’il faut persévérer dans son action pour atteindre au résultat ;
4. Le processus se poursuit avec une dépense de moyens inutilement renforcés et coûteux ;
5. Comme la personne n’a pas déterminé au départ le maximum d’efforts et de moyens jusqu’où elle aurait été capable d’aller, il n’y a plus de limite à son investissement.
Beauvois et Joule donnent l’exemple de certains couples qui auraient eu toutes les raisons de se séparer : « les raisons de poursuivre la cohabitation, sinon l’alliance, furent nombreuses. Il y eut d’abord les amis communs, puis vinrent l’éducation des enfants et la maison achetée à crédit, jusqu’à ce que ne demeure que la plus lourde d’entre elles : l’inaptitude à vivre autre chose.
A ne pas reconnaître cette raison, ils évitent ainsi de reconnaître que les précédentes n’étaient en définitive que les éléments d’un piège abscons ou d’une dramatique escalade d’engagement. »
La caractéristique principale de ce que l’on nomme « piège abscons » est que l’individu s’y retrouve « engagé dans un processus qui se poursuivra de lui-même jusqu’à ce qu’il décide activement de l’interrompre, si toutefois il le décide ». C’est la raison pour laquelle les services inutiles sont toujours vendus sous forme d’abonnements reconductibles tacitement. Des expériences l’ont montré : « les joueurs qui perdent le plus sont ceux qui doivent dire "stop" et qui ne savent pas le dire. A l’inverse, ceux qui doivent dire "allez" pour signifier qu’ils doivent continuer, et par conséquent qui sont conduits à décider à intervalles réguliers de poursuivre ou non le jeu, sont ceux qui perdent le moins d’argent. »
C’est l’histoire classique du couple qui n’en finit pas de rompre ; de l’hésitant entre deux situations sans jamais se décider pour aucune ; de celui qui s’obstine à faire rouler une vieille voiture et qui y investit le prix d’une nouvelle ; de l’industriel qui contre l’avis de son Conseil d’administration achète une entreprise qui conduit la sienne à la faillite et qu’il ne se résout pas à lâcher quand il en est encore temps ; de l’amateur de bons vins qui se fait avoir en payant cher de la piquette qu’il essaie de placer à son tour chez des amis, en devenant même complice de son arnaqueur, afin de rentrer dans ses frais.
En Irak, Dobeliou Bush semble s’être pris les pinceaux dans un piège abscons, selon « l’effet de gel » expliqué par Kurt Lewin. C’est une manière de persévérer suicidaire, car nous pensons qu’un premier acte engage. Nous justifions nos actions après coût, nous refusons de nous rendre à l’évidence. Nous ne nous dédisons pas.
Emporté par des événements qu’il a créés, Bush s’est figé les pieds dans le béton en Irak. Il persévère dans la foi de départ qui n’est pas entamée dans une victoire « à la longue ». Il n’a pas assimilé dans ses données, la leçon du Vietnam et l’inutilité des renforts du président Johnson avec 500.000 militaires, il commet la même erreur d’augmentation d’effectif donc de pertes encore plus grande pour un statu quo.
Il justifie ses actions désastreuses au fur et à mesure en perdant à chaque fois un peu plus le soutien de la Nation.
La foi dans un dieu résolument démocrate dont il se prévaut n’apporte aucune justification rationnelle, au contraire, porte le trouble dans les esprits et place l’idéal d’une démocratie qui serait exemplaire dans la mouvance d’une religion, par nature sectaire et ségrégationniste.
Bush ne l’a pas implicitement déclaré, mais il doit être proche avec son Eglise, des théories créationnistes, d’autant que des écoles aux USA ont abandonné le darwinisme en faveur de ce que certaines organisations religieuses donnent en pâture à leurs écoliers et qu’il apparaît que certains Républicains sont favorables à ce concept.
Si Bush cherche des analogies entre son intervention en Irak et certains textes bibliques, il n’est plus dans un piège abscons, mais dans un piège à cons.
Et on croyait les capitalistes convaincus sérieux !
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1.Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvais, in Presses universitaires de France ; Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens.
Commentaires
Content de te revoir, Richard III !
Elle est si vraie ton histoire du piège abscons; on devrait l'enseigner à l'école!
Postée le: michel | avril 4, 2007 07:49 AM