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Les beaux-z-emplois du FOREm.

...Aujourd’hui harceleur.

Pénélope Ette – Gontran Éforcé, comment êtes-vous devenu harceleur ?
Gontran Éforcé – J’étais sans travail. Ce n’est pas que ça m’ennuyait - quand on s’ennuie à ne rien faire, on se déprécie soi-même – mais il me semblait avoir trouvé une profession nouvelle qui pouvait intéresser des employeurs, surtout parmi ceux qui dégraissent leur personnel, soit pour faire plus de fric à l’actionnaire, soit parce qu’ils souhaitent investir au Bangladesh. J’ai soumis mon idée à un membre éminent du MR, propre sur lui, cravate à pois et chemise en soie. Il a trouvé mon idée excellente et il m’a présenté à un industriel qui m’a aussitôt engagé.
Pénélope Ette – Comme vous le dites, cela paraît simple. N’allez-vous pas donner de faux espoirs à nos chômeurs de longue durée ?
Gontran Éforcé – C’est un emploi porteur, parce qu’il innove et qu’il n’y a pas à l‘heure actuelle d’harceleurs déclarés à ma connaissance.
P. E. – Faut-il des diplômes ?
G. É. – Plus on en a, moins on s’en sert. Je recommande seulement une formation de 3 mois à mon stage de réarmement moral.
P. E. – En quoi consiste-t-il ?
G. É – On y apprend à exiger des autres plus que vous ne sauriez faire vous-même. Un peu d’art dramatique aussi : faire la gueule quand vous avez envie de rire, ce n’est pas facile.
P. E. – En quoi consiste le métier d’harceleur ?
G. É – L’harceleur harcèle ; C’est tout simple. Un employeur a des problèmes de personnel. Il ne voudrait surtout pas payer des préavis, assécher sa trésorerie dans des procédures, se bagarrer avec les syndicats. Alors, il fait appel à mes services. Nous examinons ensemble le rôle du personnel. Il me désigne les grosses indemnités de licenciement, les cas de récidives et de maladies de longue durée, les énervés de la question syndicale. J’estime si je dois me présenter comme le nouveau chef de service ou l’ergonome providentiel venu sauver l’entreprise en modifiant les cadences. Une fois dans la place, je repère celle ou celui que m’a désigné l’employeur, je l’observe quelques jours, puis j’interviens en l’attaquant par son point faible.
P. E. – Comme ça, sans qualification, sans préparation ?
G. É – Juste un petit discours sur le temps de midi, dans les premiers jours. Au début, le patron faisait cela très bien. J’ai retenu sa façon de faire. Je l’ai améliorée. A présent, j’assois mon autorité, j’introduis l’angoisse dans le devenir, je demande un effort afin de sauver l’emploi, je laisse mijoter la chose, puis l’harcèlement commence.
P. E. – Les gens ne se méfient pas ?
G. É – Je ne m’attaque jamais qu’à une personne à la fois. En général, tout le personnel est derrière moi. Il m’est arrivé de n’avoir eu qu’à réprimander sèchement à voix haute et devant tout le monde notre cible sur un travail que le patron jugeait lui-même excellent, d’où la difficulté de flanquer la personne à la porte pour incompétence. Je n’ai eu à faire cela qu’une fois. Les collègues de l’individu ont fait le reste. Quinze jours plus tard, l’employé s’absentait sans excuse, pris par le doute existentiel. Le mois suivant, nous l’avons découvert hagard qui traînait au réfectoire pendant les heures de bureau. Nous l’avons licencié sur le champ, sans préavis.
P. E. – Quelles sont vos méthodes de travail ?
G. É – C’est domaine assez vaste qui concerne la psychologie, le don d’observation et le culot.
P. E. – C’est à dire ?
G. É – J’isole le spécimen à déclasser sans la possibilité de communiquer. Je l’interromps constamment dans son travail. Comme je l’interromps souvent, son travail s’en trouve perturbé ou en retard, je le menace verbalement…
P. E. – Jamais par écrit ?
G. É – Evidemment, surtout pas de preuves écrites. Les critiques deviennent incessantes. Eventuellement, je porte atteinte à sa vie privée. A la limite, j’invente des comportements antisocial de l’individu, que s’empressent de colporter des collègues bien intentionnés… J’obtiens ainsi de bons résultats.
P. E. – Des suicides ?
G. É – Cela arrive, mais ce n’est pas le but recherché. En général, une fois le but atteint, les patrons libéraux ne sont pas rancuniers.

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P. E. – Les femmes, vous ne les agressez pas sexuellement, j’espère ?
G. É - Jamais. Mais, il arrive se sentant sur le toboggan qui mène à la sortie, que certaines d’entre elles me demandent de coucher. Vous comprenez, l’habitude d’être harcelées uniquement pour cela. Elles pensent que c’est pour ça que je les travaillent.
P. E. – Que faites-vous dans ce cas ?
G. É – J’enregistre la proposition à toutes fins utiles. Ensuite, je couche si l’employée me plaît. Vous voyez que c’est une profession qui a quelques avantages.
P. E. – Lorsque vous couchez, vous ne la flanquez plus dehors ?
G. É – Au contraire. La menace d’un petit chantage du côté du mari et ça va encore plus vite pour gagner la sortie…
P. E. – Je vous remercie monsieur Gontran Éforcé pour cet exposé qui démontre que notre Wallonie est un réservoir d’emplois inattendus.

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