Une guerre civile se prépare
Tant que l’on vit à l’écart de l’horrible, on trouve des mots pour l’exprimer ; dès que la fatalité nous y plonge, on reste sans voix.
Alors que nous jouons les augures et que nous célébrons ou au contraire détestons ceux qui nous gouvernent, à quelques milliers de kilomètres, dans la bande de Gaza, les conditions sont autres, au point que célébrer et détester valent des condamnations à mort.
A l’abri de l’Europe, dans la sécurité des jours qui passent, à force d’entendre les infortunes, les désastres humains et les crimes de toutes sortes perpétrés ailleurs, nous ne les imaginons plus dans leur sauvagerie et leur absurdité. Nous sommes devenus indifférents aux monstruosités dont les hommes sont capables.
C’est ainsi que nous avons perdu la faculté de nous indigner.
Nous nous sommes trop investis lors des élections de la présidence en France. Elles ne valaient pas l’excès de passion dans lequel nous sommes tombés.
L’hôpital palestinien de Chifa est encombré d’agonisants.
Des rafales d’armes automatiques se font entendre jusque dans les couloirs du plus grand hôpital de Gaza. On se bat dans les rues. Quand un militant tombe, quel qu’il soit, il est palestinien.
Les familles cherchent leurs morts. Personne ne sait de quoi sera fait le lendemain. La famine menace. Les Israéliens qui ne sont jamais loin, profitent de la confusion pour du bout de leurs canons régler quelques comptes. C’est la folie dans la bande de Gaza depuis vendredi 11 mai.
En marge des combats entre palestiniens, des roquettes artisanales palestiniennes pleuvent sur la ville israélienne de Sderot, à la limite du territoire.
En représailles, l’aviation israélienne mène des raids contre des bastions du Hamas.
La confusion est totale.
Le Liban et la Syrie attendent. L’Egypte en proie à la montée de l’intégrisme s’efforce de rester en dehors de la nouvelle crise. Le raïs vieillit. L’Egypte n’est pas une démocratie. Moubarak prépare la succession pour son fils. En Belgique aussi les mœurs sont identiques, les fils succèdent aux pères, sauf que les partis se surveillent et s’annulent.
L’Irak et l’Iran ne sont pas loin. Le goût immodéré américain pour l’Etat juif est à la base du micmac tragique.
Le gouvernement palestinien d’union nationale n’existe plus. Chacun cherche à venger ses morts. Les casiers de la morgue affichent complet.
C’est le chaos.
Les plans américains ont échoué. Le dernier passage de Condoleezza Rice n’a été que pour serrer des mains à Tel-Aviv. Elle est le mannequin itinérant de la politique évangéliste d’un Bush déphasé.
Pour les Gazaouis, le gouvernement n’a pas réussi à contrôler puis à réduire les violences. Président par intérim du Conseil législatif palestinien, Ahmed Bahar pense que la responsabilité des confrontations a pour origine l’embargo des Israéliens et des Américains qui empêche le redressement économique des Territoires.
Les écoles sont fermées. Les commerçants ont baissé leurs rideaux de fer. Les trottoirs sont transformés en tas d’immondices.
L’ONU est, à chaque fois qu’est alerté son Conseil de sécurité, victime d’un veto d’une ou l’autre grande puissance. Quelle serait la solution ? Des forces d’interposition, les Israéliens sont contre. Une extension du conflit irakien et une pacification à l’américaine serait unilatérale et seulement en faveur de Tel-Aviv.