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Regrattier

N’est-il pas déraisonnable de penser avec Diderot qu’« On est soi de nature, on est autre d’imitation » ?
S’il faut en croire Gérard de Nerval, l’éventuel imitateur de Diderot aurait en réalité imité sans le savoir Laurence Sterne, romancier et ecclésiastique britannique, lequel avait imité Swift, qui se reconnaissait en Rabelais, qui devait tout à l’Histoire macaronique de Merlin Coccaïe (pseudonyme de Folengio) qui aurait puisé son inspiration dans Pétrone, qui lui aurait bien lu Lucien…
Ce bon Monsieur de La Fontaine a dédicacé ses Fables à Monseigneur le Dauphin (fils unique de Louis XIV et de Marguerite d'Autriche) en avouant que « Tout cela se rencontre aux fables que nous devons à Esope. »
C’est faux de prétendre que « celui qui se complaît dans l’imitation de ne faire que reproduire ce qui existe déjà ». Nous devons nos principaux chefs-d’œuvre à nombre d’écrivains qui ont puisé chez des auteurs anonymes, voire même chez de simples clercs, l’idée principale qui conduit parfois une histoire à l’immortalité de son auteur.
N’en déplaise aux mœurs d’aujourd’hui promptes à protéger le droit d’auteur, qu’il soit de musique ou de belles lettres, s’il est bien un domaine où les Copyright, les interdits de la SABAM et les Sociétés de gens de lettres devraient être modestes, c’est bien dans les formes de plagiat, lorsqu’elles ne sont pas grossières ou purement serviles, et qu’au contraire, elles embellissent ou transforment complètement une œuvre.
En d’autres termes, il dépend toujours de moi, et de moi seul, de choisir telle ou telle attitude compte tenu d’une situation donnée.
L’imitation ne revient pas à s’identifier à autrui. Si je recopie servilement un texte sans y changer une virgule et que je m’en attribue la paternité, il y a là une forfanterie coupable ; mais ce n’est pas de l’imitation d’après X... Il n’y manque plus que reproduire aussi l’écriture pour que l’acte devienne celui d’un faussaire.

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L’imitation est surtout un acte de création. Cela suppose de l’admiration et une bonne connaissance de la pièce imitée. On s’inspire d’une œuvre que l’on aime. On en développe parfois certains traits, on la rend accessible aux générations nouvelles si l’on y met les accents de la modernité quand il s’agit d’imiter de l’ancien. Parfois, on s’écarte tout à fait du sujet initial ou l’on n’en reprend que quelques idées, une trame, une situation, pour en faire autre chose.
La gamme ne se compose que de 6 notes et l’alphabet de 26 lettres.
Par les temps qui courent on entend des auteurs inconnus qui se disent plagiés par les vedettes du star system, et peut-être le sont-ils réellement sur quelques mesures masquées par un autre tempo. R. Kelly est poursuivi en justice par deux auteurs-compositeurs belges, Eddy et Danny Van Passel. En effet, les frères Van Passel attaquent R. Kelly car la chanson qu'il a écrit et arrangé pour Michael Jackson « You Are Not Alone » ressemblerait étrangement à un de leurs morceaux composés en 1993. Et alors ? Qu’est-ce que cela change dans le plaisir de la création et l’amour propre d’un auteur ? Rien. Mais ce qui dérange aujourd’hui c’est l’argent qu’il y a autour de certaines créations, ni plus ni moins bonnes que d’autres, mais consacrées par un public, lui-même influencé par les modes et les moyens de diffusion.
On en est là. La création ne vaut rien en général, sauf pour quelques histrions, mirliflores des podiums et des maisons de disque, gagnants des prix Goncourt et autre Loto en tirages continus parmi les maisons d’édition. Vaste comédie humaine qui consacre rarement le talent, et toujours la réussite. Alors le modeste qui a créé dans sa mansarde trouve mauvais que celui qui s’en est inspiré, roule en Ferrari.
La société ne paie que les services qu’elle voit. Constat permanent. Le propre du créateur étant de rendre des services invisibles ou pire encore des services qui ne seront réellement reconnus que cent années plus tard, il n’est jamais payé.
Voilà le lot des créateurs et des précurseurs. Quand par hasard un réel talent est reconnu pour tel, il sert aussitôt d’alibi pour faire croire à ceux qui resteront dans l’ombre à jamais et qui pourtant avaient autant de savoir faire, sont des médiocres à leur juste place. Ce qui ne veut pas dire que tout qui est dans l’ombre possède un talent méconnu et tout qui est en pleine lumière est un génie créateur.
Restent des imitateurs qui en ont fait un métier. Ils sont ainsi faussement appelés en faisant rire en imitant Jacques Chirac ou Verhofstadt. En moquant les travers, les attitudes et les borborygmes des puissants, ils font montre d’un esprit critique et d’une belle imagination. Ils nous montrent ce qui crève les yeux et qui pourtant échappe au grand public : la ressemblance qu’ils ont avec nous-mêmes.

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