Adaptez-vous !
Nous vivons des temps étranges et qui ne sont comparables à rien.
La référence à ce qui a été ne vaut pas l’expérience du jour pour analyser le présent, dit-on ?.
J’ai devant moi « Anti-Dühring » d’Engels. Un livre écrit contre un homme qui n’est plus connu de personne – Dühring – dans une situation de l’après-guerre de…1870.
Et voilà Engels qui s’enflamme contre ce socialiste mou d’Eugen Dühring, avec la vision du capitalisme, de la Prusse victorieuse et des classes moyennes qui se désolidarisent du prolétariat après le flirt de 1848…
On a beau écarquiller les yeux, on ne voit pas l’enseignement que l’on pourrait en tirer aujourd’hui.
Et pour cause, la conscience de classe a disparu. Volatilisée la conviction que l’oppression ne s’exerce pas seulement de la droite vers la gauche, mais encore du haut vers le bas. Alors que tous les jours on peut voir les ravages qui conduisent à la compression maximale des classes laborieuses, dans un minimum de coût des décideurs et qui ira jusqu’à l’étranglement des espaces de vie des populations.
Engels aurait permis une plus immédiate compréhension du phénomène.
Puisqu’il est devenu impossible de relier le passé au présent, soit, musardons de par la ville et tâchons de nous en passer.
Rien que l’observation des boutons de sonnette, nous mène au fait.
La Ville, comme toutes les autres villes wallonnes n’a pas si considérablement évolué démographiquement qu’on a l’impression de s’y presser en rangs serrés sur les trottoirs à cause d’une démographie galopante. Mieux, si la fuite des habitants semble y être arrêtée, on ne peut pas dire que la Ville a crû de façon incontrôlable. Or des quartiers de Sainte-Marguerite à Saint-Léonard, de Grivegnée à Vottem, les maisons individuelles de jadis sont devenues des logements multiples, des kots et pas seulement pour les étudiants. Une foule : hommes, femmes et enfants s’y presse aujourd’hui dans des conditions d’inconfort incroyable et dans une misère qui semble ne plus pouvoir s’arrêter.
Voilà une observation que chacun peut faire et dont on peut tirer au moins deux réflexions.
La première, c’est que le système, malgré les points gagnés du produit national brut, c’est-à-dire de la croissance, ne fait plus progresser que la partie des citoyens qui justement n’en a pas besoin.
La deuxième : ces quartiers n’ont pas toujours été des quartiers pauvres, certaines maisons coupées en tranches pour le rendement par fenêtre, avec une corniche courant sur l’ensemble et certains porches transformés en dortoir, témoignent d’un passé plus riche. D’anciennes devantures commerçantes parlent aussi d’une certaine manière d’une époque pas si lointaine où l’économie distributive avait encore des racines dans tous les quartiers. Les marchandises n’existant plus, on y a simplement tendus de grands rideaux afin de soustraire aux passants l’exposition des viandes.
On peut penser que tous ceux qui ont habité ces anciennes maisons bourgeoises devenues des taudis ne sont pas devenus pauvres. Des commerçants enrichis se sont sauvés vers des rues plus riantes dans des périphéries plus huppées.
Les dégradations des maisons et des rues, ne s’expliquent que par une pauvreté en progrès. Combien de petits artisans, d’employés, d’ouvriers qualifiés sont restés sur place, se sont serrés davantage au prorata des difficultés et des pertes du pouvoir d’achat ?
Où est le progrès pour tous dans la société d’aujourd’hui ?
On demande aux jeunes de se couler dans la vie active, d’être performants, diplômés, d’accepter les transformations, d’abandonner les habitudes, d’aller de l’avant.
Une seule question : pourquoi faire ?
Pour gagner cette merde sans nom qu’on ose appeler le progrès et qui saccage des vies, mutile les villes, que par bassesse et ignominie nos dirigeants s’accordent à trouver morale ?
Comment a-t-on pu s’adapter à chaque fois dans la descente par palier vers un retour prochain aux conditions qui étaient celles du prolétariat à l’aube industrielle, sans réagir ?
On voit bien qu’à défaut d’idéal, nous allons vers une situation dégradée et pour laquelle nos responsables politiques n’ont qu’un mot à la bouche : « adaptation ! ».
Nous en sommes là parce que, nous rappelle-t-on, nous ne nous sommes pas adaptés !
On nous dit que tout est de notre faute.
Cette culpabilisation est acceptée comme faisant partie de l’adaptation.
Soit, adaptons-nous. Sauf qu’il reste une interrogation. Pourquoi ceux qui nous pressent de nous adapter, ne s’adaptent-ils pas eux mêmes ?
Enfin, imputer en guise de conciliation, la faute à la mondialisation et à l’émergence des pays pauvres, n’est-ce pas oublier qu’on a ouvert, bien avant, la boîte de Pandore de l’égoïsme et que nul n’a plus le pouvoir de la refermer sans une révolution ?