La chiourme et l’émigré.
En hommage à Jacques Yerna qui protesta jusqu’à sa mort des conditions
d’assignation de lieu au Centre fermé de Vottem.
Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on le sait, les conditions de rétention d’étrangers en situation illégale dans les centres fermés en Belgique sont tout à fait scandaleuses.
Si la situation n’y évolue guère, c’est qu’elle est sous la tutelle du Ministre de l’Intérieur, Patrick Dewael, Open VLD, le parti libéral flamand, qui est comme tous les Flamands de droite pour un durcissement des conditions de détention des illégaux.
Le mélange des personnes incarcérées fait cohabiter des adultes et des enfants, des hommes et des femmes dans une promiscuité digne des bagnes d’antan.
On ne peut pas discuter de ces problèmes avec Patrick Dewael qui reste l’œil braqué sur les statistiques de l’opinion en Flandre très remontée contre « les étrangers qui viennent manger le pain des Flamands » comme dans le célèbre sketch de Fernand Reynaud.
Voilà encore un sujet de discorde entre les deux Communautés.
Celle du Nord a tellement peur de la francophonie qu’elle en est à supprimer dans ses prisons tout moyen qu’à l’incarcéré de communiquer dans sa langue pour faire valoir ses droits et éventuellement communiquer avec l’extérieur.
Mais où donc Dewael a-t-il été chercher ses modèles ?
Mais au Danemark, pardi ! dans ce pays secoué par des émeutes de la jeunesse et des étudiants et géré actuellement par un gouvernement de droite allié à... l’extrême-droite !
Martine Roure, socialiste française, chef de la délégation du Parlement européen qui enquêtait sur le sort réservé aux immigrés illégaux, est ressortie de sa récente visite des Centres fermés, avec la conviction que la Belgique n’est ce petit pays où il fait bon vivre qu’à partir d’un certain revenu d’où sont exclus non seulement une grande partie de la population, mais surtout ceux qui ont cru au mirage et qui, comme l’alouette, se sont écrasés non pas dans les champs, mais derrière les barreaux de ces centres de regroupement de sans papier.
Le Soir rapporte qu’au centre 127, les eurodéputés, parmi lesquels figurait la Belge Frieda Brepoels (NVA), ont notamment pu constater la présence d’enfants enfermés. « Pour nous cette situation est inacceptable », a ajouté Mme Roure. L’eurodéputée s’est également déclarée très étonnée de constater la présence dans les centres fermés de citoyens européens, des Polonais et des Bulgares.
On attend le rapport écrit de ces visites. Il ne sera pas à l’honneur de la Belgique.
Au niveau de ce gouvernement qui est censé régler seulement les affaires courantes, comment des ministres socialistes francophones peuvent-ils tremper dans le système d’incarcération que chapeaute Patrick Dewael ?
Voilà quand même 130 jours que l’actuel gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes pédale dans le vide. Lors d’une récente interview concernant le budget, on a bien entendu Laurette Onkelinx affirmer qu’il faudra bien que ce gouvernement provisoire prenne quelques mesures financières. Et pourquoi pas traiter en urgence le cas des prisons d’un nouveau genre dont Dewael dote le pays, comme on va le faire pour le pognon ?
8.800 personnes sont passées en 2006 par un des six centres fermés pour étrangers, dont plus de 2.000 rien que pour les centres 127 et 127bis chacun. Ce n’est quand même pas rien !
En mai de cette année, Médecins Sans Frontières avait publié des données intéressantes sur le coût humain de la détention des étrangers en centre fermé. Il y dénonçait la présence inacceptable de personnes gravement malades, de cas psychiatriques et d’enfants.
« Le constat est accablant », expliquait le Dr Diane Abel de MSF. « Pratiquement toutes les personnes que nous avons vues souffraient de troubles psychosomatiques comme des maux de tête, des troubles du sommeil, maux de ventre et manque d’appétit. Ces symptômes sont immanquablement dus au stress. »
C’est quoi, à la fin, l’Office des étrangers ? Un Etat dans l’Etat ? Ou bien un ramassis de fonctionnaires bons à tout et n’y obéissant qu’en flamand à un Flamand dont le nationalisme pourrait n’être qu’un racisme déguisé ? Ou encore de pauvres types chargés d’écouter les doléances et les plaintes à longueur de journée, comme au comptoir des réclamations d’un centre commercial, pour s’en tirer d’un haussement d’épaule et d’un large sourire après le bureau ?
Car si rien ne change, à qui faut-il en imputer la faute ? Qui est responsable ?
Ce ne serait pas étonnant qu’il n’y ait personne, même pas Dewael dans ce fichu pays, derrière les façades du Ministère de l’Intérieur, rien que des fiches d’écoutes téléphoniques, des rapports contradictoires sur l’afflux des étrangers, des comptes-rendus policiers sur l’extrémisme et la liste des futurs kamikazes avec leurs Pygmalion pour des feux d’artifice en Irak, le tout traité par des robots de chez Sony.