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Réflexion sur une photo.

Le Musée de la Vie Wallonne possède une collection de photographies de la vie de tous les jours à Liège très intéressante quant à l’observation des personnes et des lieux qu’ils habitent.
On peut déceler dans la foule, les passants qui éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts. Dans une autre partie de l’importante collection photographique, l’exposition des intérieurs bourgeois et des logis ouvriers aurait fait les délices de Pierre Bourdieu dans sa critique sociale du jugement.
Ce qui frappe par rapport à aujourd’hui, c’est la dignité souriante de ceux qui souffrent des fortes inégalités sociales du temps. Les mises sont simples, mais propres. Il règne dans les parties de maison (on ne disait pas encore appartement) une atmosphère de « logis habités ». On y devine la solidarité des gens dans la pauvreté des quartiers, car les portes y sont ouvertes dès la belle saison.
Les photographies des réjouissances et notamment celles du Quinze Août en Outremeuse nous donnent une idée juste de ce qu’étaient les fêtes de quartier, dans la naïveté générale et le bonheur d’être ensemble, tout cela aux antipodes du show et de l’envahissement du quartier que l’on connaît à l’orée de ce troisième millénaire.
Ce n’est évidemment pas une chronique d’autrefois qui viendrait corroborer la « belle époque » des chansonniers et des imbéciles à laquelle je pense ; car l’époque ne l’était pas ; mais, pour en déduire quelque chose que nous avons perdu à côté de la quête du pain quotidien : l’espoir de lendemains meilleurs.
On voit bien depuis ces images comme la situation s’est dégradée, faute d’avoir perdu cet idéal ouvrier qui faisait tenir debout les gens dans l’espérance d’autre chose.
La vie en ville s’est dégradée en même temps que son décor.
Certes, il existe des quartiers où la lumière brille aux étalages rutilants des grands magasins fréquentés par une foule bien vêtue, repue et qui donne l’apparence de la prospérité ; juste à côté, des rues entières se sont terriblement dégradées et avec elles les personnes qui y vivent. Dans les « beaux » quartiers, comme au centre ville, l’opulence côtoie la détresse. La mendicité, quoique contenue, n’en est pas moins présente avec les mancheux qui s’obstinent, malgré les interdictions, à harceler les passants qui ne leur prêtent nulle attention.
La différence avec les foules d’autrefois ?
Celle-ci est devenue cynique. Ceux qui la composent ont "l'idéal" qui s’est rétrécit à leur sécurité et à leur survivance.
C’est une société de fin de règne.
Que l’on soit pour ou contre l’ordre économique, plus personne ne croit vraiment qu’il va vers le bonheur général.
Est tranchée la question de savoir où l’on va. La réponse est nulle part, si l’on entend par là l’absence de tout espoir de justice et de progrès.
C’est une impasse où grouille le monde. Ceux qui sont arrivés au fond s’entassent contre le mur final et sont écrasés par ceux qui entrent et qui les écrasent.

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Pire, le désordre des esprits que d’aucuns confondent avec le désordre utile que produit le sens de la liberté, se retrouve dans la saleté et le désordre des rue, des dépôts clandestins d’immondices, des traces de chewing-gum sur les dalles du centre, des déjections canines et humaines qui ne sont pas la rançon de la vie urbaine, mais la dépravation du sens communautaire, des nombreux graffitis sur le moindre espace plane, les sièges des bus et les portes des particuliers. On dirait que l’inventivité s’est réfugiée dans l’inutile et la laideur et qu’il faut que la communauté soit responsable collectivement de ce mal de vivre ensemble.
Ainsi nous poursuivrons jusqu’au bout, probablement jusqu’à la fin de ce siècle lorsque l’étiologie aura répondu que la cause de l’écologie est entendue.
Le rêve américain se termine en cauchemar.
Nous voilà les yeux toujours braqués sur la partie émergée de l’iceberg du capitalisme, sans aucun intérêt pour ce que l’on ne voit pas.
Il est possible que les survivants des désastres futurs découvriront dans les décombres d’une civilisation perdue, les collections de photographies du Musée de la Vie Wallonne.
Peut-être chercheront-ils la fatalité qui conduisit les gens avant 14 à engendrer des successeurs sans idéal, sans humanité, hantés par la seule obsession de l’argent.
Peut-être n’en feront-ils rien, préoccupés à fouiller le sol pour seulement survivre !

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