Renoncement !
C’est en essayant de comprendre l’homme que l’on apprend à mieux connaître la société. Celle-ci est faite à son image.
Le paradoxe à résoudre est simple. Si je déteste la société dans laquelle je vis, je dois nécessairement détesté l’homme qui l’a créée.
Or, si je la déteste, c’est parce qu’elle n’est pas en rapport avec une autre société que j’estime possible et qui serait créée d’après l’autre versant de l’homme, celui qui le consacre meilleur que sa réputation.
Comment résoudre le conflit intérieur ?
Sinon, comment rester en vie sans sombrer dans le désespoir ?
Peut-être bien que l’homme n’est pas tout à fait responsable et que la société qu’il s’est imposée, il ne l’a pas voulue vraiment ?
Enfin, s’il s’agit de statistique, tous les hommes ne l’ont pas bâtie depuis leur mauvais fond, et il en existe un certain nombre qui ne méritait pas ça ?
Oui, mais lesquels et combien sont-ils ?
Du point de vue historique, il apparaît que le New Deal activé sous la présidence de Franklin Roosevelt a sauvé le capitalisme d’une ruine certaine et empêché le monde de basculer dans une forme capitalistique inconnue de société.
En 1933, date de la prise de pouvoir de Roosevelt le plan keynésien qui fut mis en place était la seule issue et elle réussit au-delà de toute mesure, relançant le système économique mondial sous l’impulsion duquel nous sommes toujours.
Aujourd’hui, cette politique n’est plus possible. Alors qu’elle le fut en 33, par la taxation des transactions et la constitution d’un fonds de garantie.
Est-ce que les décideurs se sont endurcis ? En devenant plus spéculateurs, plus égoïstes, se sont-ils mutés en monstres froids, ou bien le sont-ils depuis l’aube des temps ?
Cette question est primordiale. S’ils le sont devenus, ils sont amendables et avec eux la société. S’ils ne le sont pas, prêcher pour une société plus juste revient à faire partie du clan des esclaves, les gogos de toujours, les natures moutonnantes.
Dans cette hypothèse, nous sommes dirigés par des voyous, aussi bien parce que nous le sommes sans le savoir, ou alors, le sachant, que c’est ainsi que nous souhaitons être, dans le présomptueux espoir de devenir des voyous influents.
Dans une assemblée composée en majorité de fous, les voyous créent leurs propres règles acceptées par tous comme étant la Morale, alors qu’elles n’en sont qu’une apparence, modifiable à tout instant.
Alors tout s’explique et devient clair : les lois sont faites pour protéger les détenteurs de l’argent, les gouvernements sont des lieux où s’assemblent des voyous qui sans grand talent n’en satisfont pas moins leurs instincts prédateurs. Les peuples trempent dans toutes les combines pour survivre dans la magouille et le vice, d’où une main-d’œuvre mal payée, mais dont il est acquis qu’elle peut, elle aussi, en écrasant des compagnons d’infortune, s’adjoindre quelques petits coupons et quelques profits insoupçonnés.
La liste des conséquences est longue, et elle correspond à un détail près à la description du système en vigueur formant une société de masques et de conventions dont le maître mot est l’imposture.
Quand on entre dans cette logique, on cherche en vain une bouffée d’air.
Se débat-on dans la connaissance humaine par la connaissance animale, on est atterré par ce que Konrad Lorenz en écrit : « …il n’est pas une seule action généreuse de l’individu se produisant régulièrement et de quelque importance pour le bonheur et le malheur de la société à laquelle l’impératif catégorique soit seul à donner une impulsion et une motivation. Au contraire, dans la plupart des cas, l’impulsion active originelle est produite par la mise en jeu de schémas innés et de pulsions héréditaires. On ne peut que très difficilement construire des situations qui soient réellement neutres du point de vue des détachements des réactions innées et qui, simultanément au cours de l’examen rationnel et approfondi de la situation, nous incitent à une prise de position en faveur d’une action de renoncement à soi. »
Après cet accablant tableau de nos gènes patibulaires, Konrad met de l’eau dans son schnaps : « Il n’est pas un homme qui puisse donner librement cours à ces tendances innées, et c’est précisément là-dessus que repose la vieille aspiration de l’humanité vers le paradis perdu ». (Konrad Lorenz ; essais sur le comportement animal et Humain ; in les Editions du Seuil ; 1970)
Alors, on ne sait plus s’il faut opter pour le camp des agneaux ou le camp des voyous, sinon que notre champ héréditaire a déjà tranché pour nous.
Notre histoire ne serait qu’un long requiem et notre futur, l’apocalypse.