A Belinda C.
L’Air Bus A 380 est une réussite exceptionnelle du virtuel. Cet avion géant est sorti du hangar pour la première fois de sa vie d’avion et a volé parfaitement comme prévu. Tout avait été minutieusement calculé sur ordinateur. Les vols avaient été simulés. Les pilotes – quoique chevronnés – n’avaient jamais fait décoller l’appareil autrement qu’en laboratoire, avant la piste et le décollage réel.
La presse avait été conviée, chose impensable il y a seulement cinq ans, quand, aux premiers essais, tous les pilotes risquaient leur vie. C’est tout juste si, pour le premier vol, on n’accepta pas des passagers !
L’avenir est au virtuel. (Que va donc penser Gulliver ? C’est d’un bête non améliorable ce que j’écris-là ! )
Les psy se régalent : l’électronique créera notre avatar… que dis-je ? le crée en ce moment. Nous vivrons, nous souffrirons et nous mourrons, avec ce compagnon d’une genre nouveau. Nous serons à la fois le dasein (l’existence), le moi (votre serviteur, Belinda) et le surmoi (complexes et interdits), dans un figuratif de plus en plus outillé pour donner l’illusion du réel, jusqu’au réel lui-même !
Avant hier, Jonathan fut un avatar exprimant ses sentiments à Belinda C.
Il y a seulement quelques années, cela eût été impossible.
Le blog a l’avantage d’être un courriel circulaire et de la sorte, crée une vie de groupe dans l’imaginaire d’un seul.
Jonathan a-t-il rêvé de Belinda C., ou l’a-t-il approchée, comme le ferait un homme épris à la suite d’une entrevue décisive. Une rencontre fortuite sur le tramway, Jonathan serait monté à Saint-Pierre et vous à Copernic ?
Peut-être la réalité dans le rêve, le rêve dans la réalité ou les deux ?
En l’occurrence, une déclaration d’amour dont les acteurs ne se connaissent pas, voilà qui est fort singulier et donc improbable dans l’acception bourgeoise de l’improbabilité. .
L’interactivité n’est qu’un dialogue avec son avatar. Cependant, les rapports de deux personnes en une, le ou les enrichissent.
Tous les bons écrivains le savent, l’art est de rendre simple une chose compliquée, quand les mauvais font l’inverse. Le NET ne désespère pas de transformer la doxa du grand public en épistêmê, correspondantisme ajouterait Gulliver.
Le troisième millénaire qui commence verra le triomphe de la mathématique comme Descartes l’avait déjà soupçonné au milieu du XVII siècle, peu avant sa mort.
Si Jonathan au lieu de mourir comme tout un chacun, vivait cent ans de plus, imité en cela par Belinda C, des relations érotiques virtuelles deviendraient possibles par simple développement des rapports mathématiques des surfaces.

Mais que l’humaine nature se rassure, cela ne se serait point appelé l’amour.
Les sentiments peuvent être simulés, travestis, tus, exprimés, mais ils ne sauraient être virtuels. La nature conserve ses droits.
Voilà qui doit rassurer Belinda C. et plongerait Jonathan dans le désespoir, si je ne le savais respectueux de l’intimité des autres.
Il reste encore de beaux soirs au clair de lune, même si déjà Cyrano à la Belle Epoque faisait monter son double au balcon de Roxane.
Rien ne vaudra jamais le souffle de l’autre, l’amour partagé et le « premier oui qui sort des lèvres bien aimées ».
Reste entre nous, une simple objection, d’ordre historique, qui concerne Flaubert. Le pouvoir abandonna les poursuites contre Flaubert après sa Bovary, non pas parce qu’il craignait les Rouennais à la veille des élections, mais parce que Gustave était un des assidus du salon de la princesse Mathilde.
Infime détail et qui n’altère en rien les sentiments que Jonathan vous porte.