Le socialisme, ça roule pour qui ?
On n’a pas tort de critiquer l’impuissance de la gauche à trouver un programme original, s’inscrivant dans une nouvelle dynamique sociale.
Le pouvoir du PS est instrumentalisé par ceux qui l’occupent. Ils usent impunément d’une légitimité qui n’est contrecarrée par aucune obligation de résultat.
Vous me direz qu’ils sont désignés par des congrès et des statuts. On connaît la valeur des Congrès quant au bouleversement et à l’influence qu’ils peuvent avoir.
On sait – et c’est également valable pour les réunions syndicales – la difficulté de rassembler des interlocuteurs ayant des convictions contradictoires, animant des débats, trouvant des ressources humaines en-dehors des dirigeants. Quoiqu’il soit difficile pour les bureaux de les entendre pour la simple raison que celui qui détient le pouvoir entend le façonner à sa propre métaphysique.
Les dirigeants de gauche qui s’appliquent à « corriger » quelques petites choses dans les programmes de droite, auraient du mal à supporter une critique qui remettrait en cause jusqu’au bien fondé de leurs corrections, pourtant fort modestes.
On dirait qu’ils s’effraient avant la droite d’une réflexion un peu vive qui mènerait à une position trop décalée par rapport à la marche forcée vers le néant d’un capitalisme mondialisé.
Ne serait-il pas temps de définir un autre mode de réflexion en partant d’autres références que celles tellement rabâchées de Hume, Smith, Locke et consort qui ont déboulonné Marx dans le panthéon des socialistes ?
Non pas qu’il faille remplacer les Ecossais par le Rhénan, ni la négociation par le poing sur la table, ni même levé ; mais, bon sang, est-ce que l’avenir ne pourrait pas venir d’une autre philosophie ? Sommes-nous devenus incapables de rêver d’un devenir de l’humanité différent de celui que nous inspire le profit et l’égoïsme ?
Le PS s’est résigné à la vision anglo-saxonne de l’économie. J’en ai bien peur !
Est-ce que produire plus et vendre mieux, peuvent être confondus avec un idéal ?
L’extinction des matières premières bon marché et de leur raréfaction progressive, mais néanmoins certaine, ne donnerait-elle pas l’occasion d’une révision de la politique de gauche ?
Les discours des pouvoirs en place ne sont-ils pas obsolètes qui se disputent aujourd’hui entre les valeurs morales des Lumières Ecossaises et le rationalisme radical mais abstrait des Lumières françaises, sur la valeur du travail et la manière de produire, alors que l’essentiel des satisfactions et des bénéfices même de ce que l’on produit va s’en trouver durablement perturbé ?
Le dernier discours de Sarkozy avec la référence d’un Edgar Morin qui n’en peut, n’est pas autre chose qu’une volonté absurde de persévérance sans prévoir que nous allons vers une impasse et que nous ne pourrons que refluer en désordre lorsque nous aurons atteint le mur final.
Si le capitalisme ne peut pas faire autrement que poursuivre une marche vers la crise et l’abyme, le socialisme peut au contraire choisir une autre voie, moins absurde, plus morale en laissant moins de place aux hasards de la fortune confronté aux égoïsmes.
Le manque de sensibilité d’un socialisme mondain est gravissime.
N’est-ce pas A. Touraine qui a écrit (je cite de mémoire) « S’il y a changement, c’est parce qu’il y a lutte des contraires. ; s’il y a invariance, c’est parce que ces contraires s’organisent en unité provisoirement stable. » ?
MR et PS ne sont même plus « provisoirement » stables. Ils sont figés ou – seconde hypothèse – ce sont de faux contraires !
Certes, les déclarations sont là dénonçant la situation défavorable impartie aux populations les plus pauvres. Mais lorsque ces déclarations ne s’accompagnent pas d’une action, elles ne servent à rien.
Une action, me direz-vous, mais comment être actif ?
Le PS est au gouvernement, que je sache. Quel socialiste s’est opposé à la déclaration de Leterme selon laquelle, le gouvernement ne pourra pas changer le système d’imposition particulièrement injuste et qui touche les bas salaires avant et après le 23 mars ?
On n’a entendu personne.
En plus d’être au gouvernement, l’appui des Socialistes à l’octopus aurait pu être conditionné à une meilleure politique sociale.
Di Rupo est étrangement muet sur la question.
Il nous sert son couplet de la Belgique en danger, alors que se sont certains Belges qui le sont, et particulièrement les Wallons.
Le même aveuglement s’explique, mais de manière dramatique dans les partis socialistes européens.
C’est une crise interne : les dirigeants balancent entre centre gauche et hyper centre. Les gens s’en fichent. Ils ont perdu l’habitude d’entendre un vrai discours de gauche.
La question est simple : « Pour revenir au pouvoir avec de nouveaux objectifs, la gauche doit-elle suivre l’exemple des travaillistes anglais et trouver sa troisième voie entre gauche dirigiste et droite libérale ? », ou pour défier le pouvoir et faire du neuf avec une nouvelle assise, la gauche ne ferait-elle pas mieux de trouver une voie plus militante entre ses concepts actuels et la position de l’ultra-gauche ?