L’imposture.
Qu’on ne se méprenne pas. Les systèmes que l’on propose en remplacement de celui qui fonctionne dans nos sociétés occidentales ne sont pas des enjeux impératifs. C’est plus dans la détestation de celui que nous subissons que par la conviction qu’ils remplaceront avantageusement dans le futur la société de consommation ; c’est aussi parce qu’ils paraissent faire plus de cas de la justice sociale et donc être plus moraux.
On ne peut mesurer efficacement la valeur d’un système qu’à partir d’une réflexion sur les réalisations de celui-ci. Or, les systèmes de remplacement proposés n’ayant jamais été expérimentés, il est difficile d’en juger fictivement l’efficacité.
Les propositions diverses n’admettent que très rarement de prendre en charge la société telle qu’elle est à partir de quoi s’établirait un autre scénario que capitaliste.
Nous passons un temps précieux à faire des projets qui n’ont aucune chance d’aboutir ; car, ils sont le plus souvent nés d’une révolte personnelle et partant, ignorent tout de la vie complexe des imbrications humaines et du jeu social, si ce n’est qu’en stigmatisant les ressorts les plus grinçants des appareils impuissants d’une démocratie chloroformée.
La société actuelle est compliquée jusqu’à l’incompréhensible. Elle ne peut se transformer ou se rénover sur de simples décisions, même obtenues de manière tout à fait démocratique à la majorité des voix.
C’est un échafaudage de relations interdépendantes qui ne peuvent être assimilées dans leur ensemble par personne, si bien qu’elles échappent à toute décision consciente de quelque individualité que ce soit.
Marx n’a pas établi les lois d’un Etat communiste. Il a seulement préparer les hommes à imaginer ces lois. Si bien que l’échec du communisme dans sa forme des Républiques Socialistes Soviétiques ne peut être de la responsabilité de Marx.
Le système capitaliste n’est pas immuable. Il change confronté aux faits et à l’action des hommes, même si l’égoïsme est le levier central, ce qui en fait sa carapace et sa durée. Mais, il ne change pas en faveur du plus grand nombre, quoiqu’en dise Didier Reynders, ce faux-monnayeur du social.
Cependant, on peut se demander si en appauvrissant aujourd’hui les populations qu’il touche, il ne va pas finir par s’autodétruire et donc nous débarrasser de nos infirmités collectives ? Si bien que nous serions régis par autre chose, en douceur et sans casse. Si nous n’en prévoyons pas les principes, peut-être bien que le remplaçant nous placerait dans une situation d’esclavage pire que celle que nous abandonnerions ?
On voit bien que les résultats du système sont différents des volonté de chacun ; puisque l’idéal d’une vie meilleure n’est même plus un objectif, tout au plus pourrait-on se souvenir qu’il était bel et bien un objectif jusque dans les années 80 et qu’il n’est plus qu’une réflexion historique.
Le comportement relationnel rend chacun dépendant d’autrui.
Ce sont des jeux d’un mécano politique, technique et social découlant de nos activités. Rassemblés, ils forment la société complète.
Mais ces structures imbriquées peuvent aboutir à des situations diamétralement opposées aux suppositions des foules.
C’est que nous vivons dans les pitoyables soubresauts des gouvernements qui se succèdent et qui ne parviennent plus à cacher leur préférence de classe dans les traitements des inégalités.
Cherchant à supprimer les profits abusifs, ils libèrent les prix et les font flamber.
Ils font la guerre à l’argent sale, celui-ci entre dans les entreprises et devient respectable par les mêmes lois qui étaient destinées à le faire disparaître.
Toute action, dans un système qui ne tourne pas bien, finit par avoir des effets pervers.
Ces effets pervers profitent bien à certaines catégories, mais on n’en perçoit pas toujours les mécanismes. Il ne sont attribuables qu’aux forces du mal. Oui, mais lesquelles ?
C’est ainsi que, dit-on, un trader « fou » de la société Générale aurait provoqué une perte de 4,9 milliards d’euros !!!
Cela choque tous ceux qui vivent encore dans l’illusion du contrat social. S’illusionner que les individus cogèrent les pays occidentaux en prenant des décisions rationnelles, devant une telle facilité de jeter des fonds qui sont avant d’être spéculatifs les résultats du travail collectif, c’est se préparer des lendemains pires encore.
Puisque toute action collective produit des effets qui peuvent aller dans le sens inverse à celui que nous souhaitons, on serait tenté de croire qu’il serait sage d’en rester là et de ne plus présenter des systèmes concurrents qui feraient peut-être encore plus de dégâts que celui qui nous accable.
C’est la tentation du pessimisme et des nouveaux philosophes (déjà bien vieux depuis qu’on les présente à l’état neuf !)
S’il est déraisonnable d’abandonner l’équipage actuel à sa dérive sans réagir, plus néfaste encore serait d’abandonner la recherche d’autre chose.
Le mieux serait de donner la priorité au concret, et non à la pensée libérale d’objectifs tendancieux de classe. Nous ne pourrons dégager les priorités accordées au concret, tant que nous ne saurons pas discerner entre nos idéaux et notre finalité, les faiblesses et les insuffisances qui nous accablent.
Commentaires
Richard,
Un tas de gens pensent, en effet, qu'il ne faut pas laisser tomber les bras et notamment aux USA : voir l'article intitulé "Europe's philosophy of failure"
d'un STEFAN THEIL dans le périodique Foreign Policy.
http://www.foreignpolicy.com/story/cms.php?story_id=4095
On n'est pas obligé de tout lire pour comprendre ! Qu'est-ce qu'on doit étudier dans les écoles état-uniennes ? Est-ce pour cela que nos plus performants managers y passent un an ou deux - avec quel résultat?
Je vous lis toujours avec beaucoup de plaisir.
Postée le: Jojo | janvier 26, 2008 09:35 PM