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L’insecte fait de la résistance.

Depuis la mouche du vinaigre, on a fait des progrès en laboratoire sur les insectes. Quand on s’est aperçu que des espèces étaient sensibles à certains insecticides, on en a aspergé les cultures. On savait bien que ces produits chimiques allaient tôt ou tard finir dans nos assiettes, descendre jusqu’à la nappe phréatique en polluant nos rivières, mais on se disait aussi que rassasier l’humanité pouvait bien passer par quelques inconvénients.
L’humanité a toujours faim, le sous-sol est marqué à jamais par toutes les saloperies qu’on y a fait ruisseler, et les insectes sont toujours là. Mieux, les survivants aux espèces décimées se sont mués en alambics des Borgia.
Les doses d’insecticides ont doublé, triplé, des nouveaux produits ont été expérimentés, tellement divers qu’avec certains composants chimiques, des terroristes font des explosifs. De l’hécatombe d’insectes, les plus costauds sortent renforcés de saison en saison, plus destructeurs que jamais. L’homme est atteint de dyspepsie, de cancers divers, le fermier paie de plus en plus cher les produits que les grandes sociétés spécialisées dans la mort subite de nos parasites lui recommandent, l’insecte se fait à tout !...
D’abord timidement, puis grandissant en industrie prospère, les produits bio nous proposent des alternatives dont la première caractéristique, avant celle de la santé, est de coûter beaucoup plus cher que les produits aspergés.
Les apiculteurs protestent. Il existe de « bons » insectes. Les usines chimiques n’ont pas encore trouvé le moyen de les exclure du carnage, sans cesse à recommencer. Les abeilles, éléments essentiel de la pollinisation, sont menacées.
Qu’à cela ne tienne, des chercheurs mettent au point des plantes génétiquement modifiée et qui fabrique une toxine pour éradiquer les insectes qui osent les boulotter à l’heure des repas. Et on le sait, certains insectes sont très gourmands. Les Rossignols, selon Cioran, se mettent à roter.
José Bové s’insurge. On ne sait pas trop si à la longue, ce ne sont pas les hommes qui vont tomber comme des mouches. Les Américains et les Anglais qui ont trouvé un nouveau moyen de se faire du blé en le protégeant en Beauce, proclament l’innocuité pour l’homme de ces nouveaux plants.
L’Europe vitupère. Bové va en prison. Les citoyens se demandent qui croire ? L’Etat est pour le progrès du rendement à l’hectare de fourrage, plantes, céréales et légumes, donc il est pour la science.
Aurait-on trouvé la parade ? Une plante qui s’insecticide elle-même ! C'est ainsi que MONSANTO nous fait partager sa vision de l'agriculture. « Conjuguant les métiers de la Protection des Plantes, de la Semence et des Biotechnologies, les solutions proposées sont à la mesure d'un grand groupe international à l'écoute des spécificités locales, notamment des attentes du consommateur et de la société civile. » nous dit-il en roulant des mécaniques d’agriculteur.
Voilà que s’amène une légère noctuelle, Helicoverpa zea, qui ose tenir tête aux multinationales.
Quoi ! un insecte qui nargue le pouvoir de l’argent !...
Elle vient d'administrer aux Etats-Unis une démonstration brillante de la théorie de l'évolution : quand une population est soumise à une pression de sélection, surviennent des mutations qui favorisent sa perpétuation.

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Et vlan !... voilà Helicoverna zea qui boulotte dorénavant le transgénique sans gêne aucune.
Nature Biotechnology en étrangle d’indignation : « Un tel phénomène de résistance aux toxines sécrétées par des OGM avait déjà été induit en laboratoire. Mais il n'avait encore jamais été détecté dans les conditions d'agriculture réelle ».
Après dix ans d'études conduites sur six espèces d'insectes visés par des toxines produites par des cotons et des maïs transgéniques cultivés en Australie, en Chine, en Espagne et aux Etats-Unis, à ce jour seule Helicoverpa zea est parvenue à résister à une toxine, Cry1Ac, produite à partir d'un gène tiré de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt).
Les premières chenilles de papillon résistantes ont été détectées à partir de 2003, dans des champs de l'Arkansas et du Mississippi. Certaines étaient capables de survivre à des doses de toxine 500 fois plus élevées que celles tuant ces insectes, dans les mêmes parcelles, avant l'introduction de ce coton.
Voilà les USA dans le pétrin et l’Europe aussi par ricochet, car nul doute que toutes les autres plantes et céréales « protégées » soit par le transgénique, soit par l’insecticide classique, finiront par avoir leurs insectes résistants.
Comme le fermier américain ne baisse jamais les bras, les promoteurs des usines chimiques, enthousiastes du rêve américain, ont trouvé la parade. Elle vaut son pesant de cacahuète, dont on pense un jour qu’un descendant planteur de Carter les produira déjà grillées, ils préconisent le maintien de zones "refuges", semées en plantes conventionnelles, où sont conservées des populations d'insectes sensibles à la toxine ayant pour avantage de "diluer" par croisement le caractère résistant des individus mutants !
On voit où nous en sommes. Reste à trouver les dévoués fermiers capables de semer et planter à l’ancienne formule, afin de faire table ouverte à Helicoverpa zea !
On se demande si Coluche n’avait pas raison de conduire à Grenoble les ingénieurs agronomes.

Commentaires

Nous sommes vraiment peu de chose, nous, pauvres humains, en comparaison à l'hélicoverpas zea, mais aussi, ne l'oublions pas en comparaison à tous les autres insectes qui ont résisté à tout, même à la bombe, depuis que le monde est monde. Et quand on passera de l'autre côté, nous leur donneront encore de quoi bouloter pour qu'ils croissent et se multiplient. Finalement, ça sert à quoi de se plaindre? Nous seront toujours battus par les infiniments petits qui sont en définitive tellement plus grands (même au niveau de l'organisation vitale) que nous, qui croyons être les maîtres incontestés et incontestables de l'Univers. Au niveau des micro et macrocosmes, tout cela a-t-il vraiment un sens?

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